Eau argentée fait partie de ces films / documentaires difficiles à noter.


D’une part, le principe même de noter un documentaire me semble particulier. En effet, l’on sait que ceux-ci sont rarement objectifs et véhiculent une vision bien précise de la réalité : celle de son réalisateur / auteur. Bien souvent, rien qu’en lisant le synopsis ou deux critiques, on sait déjà quelle sera l’idée directive (autant le thème que la thèse de l’œuvre). Du coup, il est assez inconcevable de « s’infliger » un documentaire contraire à nos propres convictions (à moins que le but ne soit de le critiquer négativement exprès). Ainsi, il ne me viendrait pas à l’idée de regarder un documentaire d’une heure et demie sur le bienfait des chicons bio alors que j’ai ce légume en horreur.
Évidemment, certaines personnes en sont capables. Certains savent visionner un documentaire contraire à leurs idées et en rédiger une critique objective basée uniquement sur les qualités artistiques ou techniques de l’œuvre en question. N’étant pas un professionnel du cinéma, ce n’est pas mon cas.
C’est pourquoi il m’est difficile de regarder et de noter le plus objectivement possible un documentaire. J’en veux pour preuve Citizenfour (le documentaire sur Edward Snowden). Je l’ai regardé, l’ai apprécié, l’ai très bien noté (8/10)… mais je suis d’accord avec le geste de Snowden. Ca aide beaucoup !


D’autre part, il faut réfléchir au but d’un documentaire (ou du moins à ce qu’on en estime être le but !). Ce dernier est-il d’informer, de produire un chef-d’œuvre technique ou de faire passer un message ? La question parait anodine et sans grand intérêt (surtout qu’on répondra un simple « les trois, bien sûr »), mais elle est bien plus complexe que ça ; et avant de noter un documentaire, il me semble essentiel d’y répondre (tout en sachant que la réponse peut varier selon le documentaire – si on restait coincer d’un carcan, le monde serait terne, gris et chiant).


Après cette longue introduction, je me concentre enfin sur Eau argentée.
J’ai vu ce documentaire il y a plus d’un an déjà et je reviens seulement dessus parce que je ne savais pas comment réfléchir et parce qu’il m’a fallu digérer ces images.


Concrètement, le film aborde la Guerre civile syrienne au moyen de vidéos YouTube amateurs le tout couplé à certains plans tournés par Wiam Simav Bedirxan, l’un des deux noms crédités à la réalisation ; le résultat final étant monté par Oussama Mohammad (l’autre nom). En plus des images, les deux réalisateurs nous délivrent leurs impressions et leurs commentaires.


Et c’est dur… très dur.


La qualité YouTube des images (filmées généralement avec des smartphones) nous plonge immédiatement dans les atrocités et la destruction de cette guerre contemporaine (et encore en cours !). Je ne me permettrais pas de dire qu’on a l’impression de vivre les évènements avec les cameramen, mais on prend dans la face une réalité. Une réalité dont on connait l’existence, dont on connait certainement l’importance, mais qu’on préfère ignorer. Simplement. Avec ce documentaire, c’est impossible. Les images sont réelles. Les explosions et le sang aussi. Les commentaires sont ceux de deux personnes impliquées directement (l’une sur place et l’autre en exil à Paris). Cette œuvre respire l’authenticité tout au long de ses 110 minutes.
On ressort malade de ce visionnage. Malade et écœuré par tant de violence. Malade, écœuré et triste. Mais le sentiment le plus vicieux et le plus destructeur qui nous frappe après Eau argentée est l’impuissance.
Comment ne pas réfléchir à notre implication face à un conflit civil qui se déroule à des milliers de kilomètres de notre salle de cinéma ?! Comment ne pas culpabiliser sur ce qui se passe là-bas et sur notre réactivité ?! Comment ne pas se sentir gêné en repensant à ce qui a été mis en place par nos dirigeants, ces mêmes qui se revendiquent parangons de la démocratie ?!


Certes, toutes ces questions, on se les est déjà posées en nous informant quotidiennement avec nos médias traditionnels… mais avec Eau argentée elles nous frappent de plein fouet et c’est violent.


Bref, un documentaire à mettre entre toutes les mains… à un moment ou à un autre…

HadrienGhekiere
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le 12 févr. 2017

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H Bazé

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