Edmond : quand cinéma et théâtre font bon ménage

À une époque où Edmond Rostant est peu prolifique voire même démuni face à la page blanche (Edmond ne l’était pas véritablement puisqu’il avait déjà écrit plus de 9 œuvres avant Cyrano de Bergerac), il annonce à sa femme, la mort prochaine du théâtre qui sera, toujours selon ses dires, remplacé par le cinématographe des Frères Lumière. Le cadre est fixé et Michalik nous renvoient à la fin du XIXe siècle avec un soin particulier donné aux détails. Une part de siècle plus tard, sa prévision s’avère toujours erronée puisque l’art cinématographique lui rend encore hommage avec cette neuvième adaptation, cinéma et télévision compris. Cyrano de Bergerac traverse les générations. Chacun y va de son interprétation. Affublé d’un énorme nez, Depardieu enfila le costume de Cyrano tout comme José Ferrer en 1950 témoignant de son aura internationale. En 2016, Alexis Michalik relate de manière romancée la création de Cyrano de Bergerac. L’auteur s’octroie de nombreuses libertés pour mieux souligner le problème relatif au cercle fermé des auteurs celui de la page blanche omniprésente bousculée par la prolixité passagère d'un auteur. Il est question du chemin semé d’embûches où ni paresse ni abnégation ne mènent à la création. Michalik dépeint également le visage d’un homme, joué admirablement par Thomas Soliveres, pour qui l’humilité et le respect de son intérieur valent tout autant que la gloire extérieure.

En recevant cinq Molières, la pièce de théâtre de Michalik datant de 2016 fait également mouche. L'auteur et metteur en scène décide de l'adapter en bande dessinée ainsi qu'au cinéma en 2019. Thomas Soliveres incarne Edmond Rostand aux côtés d'Olivier Gourmet en Constant Coquelin, de Mathilde Seigner en Maria Legault ou encore de Clémentine Célarié en Sarah Bernhardt... Ces actrices et acteurs français s'invitent dans le paysage tchèque où Michalik a décidé de tourner son film. De nombreux acteurs et actrices composent cette fresque gracile et charmante. Ces derniers revêtent des costumes sur-mesure dans des rôles cousus mains par le réalisateur dans son premier long-métrage. Les personnages principaux sont incarnés tandis que les personnages secondaires colorent ce tableau de malice, d'humour ainsi que de verves tirées brillamment de son fourreau de metteur en scène. De cette adaptation soignée qui prend de véritables libertés- non contrariantes- Michalik surprend par les répliques limpides tout en respectant Rostand en retranscrivant l’envoûtement de ses vers originaux de la même manière que le cinéma et le théâtre se confondent mélodieusement.

Le jeu de l'adaptation en vaut la chandelle puisque Michalik complète plus qu'il "emputasse" ce chef d'oeuvre à Rostand ainsi qu’à ses interprètes auxquels les générations suivantes rendent encore hommage! Par ce film joué et enjoué, Michalik offre un espace lumineux à Cyrano tapis sous le balcon mais encore loin du placard!

Ma critique est à retrouver sur le blog : https://reglisseaupaysdesmerveilles.blogspot.com/