Shakespeare was in love, et maintenant au tour d'Edmond...

En 1999, lorsque John Madden sorti son Shakespeare in Love, romançant l'écriture de Roméo et Juliette, le film fut acclamé pour l'ingéniosité de son scénario, ingéniosité qui reposait sur une action au sein de laquelle s'enlaçaient divers des morceaux de différentes pièces du dramaturge, le tout créant un intrigue drôle, théâtrale sans outrance et qu'on regarde avec plaisir.
De son côté, il faut concéder à Edmond (le film, n'ayant pas vu la pièce) qu'il est un film divertissant, sans doute même assez plaisant à regarder si l'on apprécie de voir du théâtre au cinéma, c'est à dire regarder des acteurs exagérer leur diction et leurs expressions et une intrigue faite de ficelles aussi grosses et immanquables que le nez de Cyrano.

Cependant, le problème ne réside pas là mais plutôt dans le plagiat à outrance que se permet ce film. En effet, on peut presque lier chaque personnage d'Edmond à l'un de ceux de Shakespeare in Love. Il est bien clair que les deux films reposent sur le même principe, mais les spectateurs seraient reconnaissant de ne pas être pris pour des idiots... Les mêmes ressorts sont utilisés, dans les deux films, Philip Henslowe comme Constantin Coquelin sont endettés et doivent rembourser pour l'un Hugh Fennyman et pour l'autre deux producteurs corses; ces trois derniers sont avides d'argents et se mettent dans les pattes du personage de l'écrivain jusqu'à ce qu'ils soient convaincus par le travail de ce dernier et deviennent alors des ressorts comiques facilement réutilisables. Pour les deux films, ces trois personnages sont amadoués par l'écrivain lorsqu'il les implique dans la pièce, pour l'un en jouant l'apothicaire, pour les autres en faisant jouer leur maitresse commune. Dans les deux films, les deux auteurs écrivent leur pièce au jour le jour, acte par acte. Dans les deux films un problème de dernière minute les oblige à remplacer le rôle féminin par le personnage qui l'a inspiré (soulignons que dans Shakespeare in Love, l'homme qui joue Juliette perd sa voix et que dans Edmond, Maria dit perdre sa voix, réplique qui finalement ne sert pas la suite des événements et qui donc ressemble plus à une référence maladroite qui se place comme vague excuse pour avoir copié tout le reste). Dans les deux films, la pièce est mise en péril car dans un cas le théâtre est fermé et dans l'autre l'acteur principal n'a plus le droit de jouer. Dans les deux films les décisionnaires des restrictions précédemment énoncées se rétractent, profondément bouleversés par la pièce... Et on pourrait encore continuer longtemps ainsi...


Enfin de compte, bien que l'on comprenne cette volonté de dresser un parallèle entre la pièce qui sera la plus jouée du théâtre français et la pièce sans doute la plus célèbre du théâtre anglais, et donc la volonté de vouloir rendre apparent un tel parallèle par des références d'un film à l'autre, il aurait été plus agile de réellement réécrire un scénario pour Edmond, avec des référence à Shakespeare in Love dedans, plutôt que de reprendre le scénario de Shakespeare in Love et de simplement remplacer Roméo et Juliette par Cyrano de Bergerac. Le premier étant une éloge à l'entièreté, ou presque, du théâtre du dramaturge Elisabéthain, le second perd à reprendre les mêmes codes.

ClaraBauer
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le 20 janv. 2019

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