Effacer l'historique est dans la lignée de l’œuvre du duo Delépine/Kervern avec son goût pour l'absurde, les blagues potaches (et gênantes) et ses velléités anarchisantes. Au rond-point des connectés, esclaves du numérique, les plus désargentés, fussent t-ils ex-gilets jaunes, ne sont pas les moins accros, et leur révolte est aussi pathétique et dérisoire que glorieuse et empanachée. Effacer l'historique donne tout de même parfois la fâcheuse impression de n'être qu'une succession de sketches, rattachés à un thème dominant, propice à des moments plus ou moins réussis où l'on aperçoit quelques stars venus passer une tête (Poelvoorde, Lanners, Houellebecq ...). Donquichottesque et chaotique, le film a au moins pour lui de n'être jamais ennuyeux, cavalant entre ses trois personnages principaux dont on aurait apprécié qu'ils soient plus souvent réunis. Le film prône la solidarité contre l'hydre numérique mais ne se prive pas de faire rire, parfois grassement, au détriment de ses propres héros. Mais il est vrai que mettre mal à l'aise est aussi une constante chez Delépine et Kervern et qu'il faut s'en accommoder, voire jubiler pour les plus adeptes de leur cinéma. Effacer l'historique est du nanan pour ses comédiens et la sobriété intelligente de Masiero et de Podalydès n'en est que plus appréciable. Le tempérament de Blanche Gardin, en revanche, la conduit à une prestation de haute voltige, en roue libre, qui frôle tout de même la perte de contrôle. Il est clair, en tous cas, que les réalisateurs lui ont laissé carte blanche pour assumer son délire jusqu'à l'excès.