A l'aune de l'hégémonie néo-technologique refont surface Kervern et Delépine, trublions grolandais aussi précis que gentiment agaçants livrant là une comédie littéralement plombante, dans la lignée du mémorable Mammuth sorti dix ans plus tôt ; à renfort de pellicules surannées et grattées de tout poil le binôme de réalisateurs continue de se frayer un chemin en marge du système et des conventions commerciales, privilégiant l'excentricité au détriment du normatif.
Anti-conforme aux lois de l'attraction populaire Effacer l'historique n'en demeure pas moins un morceau de cinéma à part entière, proprement ancré dans son époque : névrose généralisée inhérente au Tout-connecté, consommation abêtissante et outrancière, culte du fric, du chic et du pas cher ; c'est une indéniable réussite de la part de Gus et de Benoît, sorte de comédie noire et revêche au point d'en devenir souvent antipathique aux yeux des néophytes comme à ceux des adeptes...
Mais si l'exigence technique du duo grolandais est encore une fois de mise ( à tel point que rien ne semble avoir été laissé au hasard sur le plan purement cinématographique ) la main semble un tantinet lourde sur le plan tonal et discursif. Au gré d'un casting ni plus ni moins calibré pour la politique artistique dudit duo ( Vincent Lacoste et Houellebecq encore, Poelvoorde toujours, Corinne Masiero et Blanche Gardin dans deux rôles importants et de parfait emploi...) cette farce pince-sans-rire cultive un regard délibérément dépressif, dépréciatif et franchement désenchanté sur ses contemporains : en mettant en lumière (terne) l'abolition de l'espace privé de tout un chacun par l'entremise des nouvelles technologies Kervern et Delépine persistent à enfoncer le clou dans la stigmate de la connerie humaine, comme au temps des handicapés du facétieux Aaltra ou des pochards de Saint-Amour...
Un film efficace et finalement moins drôle qu'étrangement pathétique, show grolandais fidèle à nos attentes réitérant l'expérience an-esthétique de l'édifiant Mammuth ; chez Gustave Kervern et Benoît Delépine la France est sans attrait, sinistre et dévitalisée, terre de petitesse et de médiocrité à qui mieux mieux... Un choc qui manque de charme et de grâce mais qui, néanmoins, touche fort et juste.