Ricardo Darín, si vous ne le connaissez pas déjà, c'est le bourru hispanique qui nous avait ébloui avec Dans ses yeux et Carancho, entre autres. Le voilà de retour dans un registre un peu différent, la comédie, dans un ton pince sans rire qui semble être devenu le style de prédilection des Argentins. Un chinois qui perd sa fiancé tuée par une vache tombée du ciel, un homme seul et bougon à l'autre bout du monde, et pourtant, malgré leurs différences, ils vont se rencontrer, l'asiatique se retrouvant perdu en Argentine, cherchant après son oncle. Un synopsis curieux, vaguement basé sur un fait divers (celui des vaches lâchées d'un cargo), le reste étant totalement fictif. Qui plus est, cette accroche qui laissait entrevoir quelque chose de loufoque ne sert en réalité pas ce but, et son véritable rôle ne sera pas lâché avant que la bobine atteigne ses dernières minutes. On rie souvent, parce que Darin, sous ses traits d'homme patibulaire à l'oeil saillant nous rappelle Jean-Pierre Marielle dans ses meilleurs films, répliques incluses, et puis on s'attache également à ce duo, qui dans l'impossibilité de communiquer a du mal à cohabiter, ceci étant renforcé par la nature solitaire du personnage de Darín. Pas de mièvrerie ni de morale à trois sous, Sebastián Borensztein, le réalisateur, fait comme avec — presque — tout dans son film, il va à l'essentiel sans s'éterniser sur de multiples niveaux d'écriture. Il veut dire quelque chose de simple à son auditoire, sans fioritures, et ne surtout pas servir une machine à masturbation intellectuelle.

Bref, El Chino est un film unique, loin de ce que l'affiche laissait entrevoir, car nous sommes davantage en face d'une fable humaine doublée d'un profond malaise que d'une comédie à proprement parler.
Si l'ensemble se montre charmant, il reste néanmoins quelques points noirs qui viennent entacher la toile. Borensztein mise trop sur Darín, et la chose se fait ressentir, la caméra le fixant presque constamment, ne laissant que peu de place au reste de la distribution, qui semble parfois figé autour de lui. Autre faute de goût, volontaire ou non, le réalisateur singe le style Jean-Pierre Jeunet, et nous « gratifie » de scènes absurdes et sans intérêt rappelant celles que ce dernier nous servait dans ses longs-métrages, avec l'inévitable filtre jaune/vert qui l'a rendu célèbre autant qu'il l'a rendu, à force, rébarbatif. Heureusement Borensztein évite de s'en servir jusqu'à la nausée, ce qui est tout à son honneur.
Il est regrettable que pour des soucis de compréhension son titre original ait été transformé de « Un cuento chino » à « El Chino », qui était une habile utilisation de cette expression espagnole qui signifie « une histoire à dormir debout » (et nom un conte Chinois), ce qu'est la base du film.
Pour conclure, si vous êtes fan de Ricardo Darín et que le style cinématographique Argentin vous plaît, foncez, car El Chino vaut largement le coup d'oeil et a amplement mérité son succès dans les pays hispaniques. Son côté austère pourra le rendre difficile d'approche, mais la partie comédie permettra de se familiariser avec ce type de cinéma de façon moins abrupte qu'avec une production comme Carancho.
Mention spéciale pour Ricardo Darín, toujours au sommet de son art, d'une justesse comme l'on en retrouve chez peu d'autres acteurs. Espérons néanmoins que son style devenu sa marque de fabrique ne finisse pas par l'enfermer dans une bulle de laquelle il ne pourra s'extirper.
SlashersHouse
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 7 févr. 2012

Critique lue 531 fois

1 j'aime

SlashersHouse

Écrit par

Critique lue 531 fois

1

D'autres avis sur El Chino

El Chino
Sergent_Pepper
6

Îlot de printemps.

Petit film sans grande prétention vu dans le cadre d’une rétrospective Ricardo Darin, El Chino rejoint cette catégorie de feel good passant un peu inaperçu, à l’instar du Station Agent ou de St...

le 25 août 2016

14 j'aime

El Chino
Virgule
8

Critique de El Chino par Virgule

Un bon film, drôle mais sans lourdeur, émouvant et sensible. Les acteurs sont attachants, et tout particulièrement, l'acteur argentin Ricardo Darin dans le rôle de Roberto. Le duo d'acteurs...

le 3 mars 2012

6 j'aime

El Chino
Hyunkel
7

700 millions de chinois, et moi, et moi, et moi...

S'inspirant d'un fait divers ayant bel et bien eu lieu, la chute d'une vache sur un paysan chinois, Sebastian Brensztein nous offre un très joli film sur le thème universel de la rencontre entre deux...

le 12 févr. 2012

6 j'aime

Du même critique

God Bless America
SlashersHouse
9

This is the best day ever !

Qui aurait pu dire que Bobcat Goldthwait, auteur de World's Greatest Dead, laisserait tomber la critique fine pour la pochade délurée et immorale ? Un coup de sang après avoir zappé, tout comme son...

le 9 avr. 2012

97 j'aime

16

Tucker & Dale fightent le mal
SlashersHouse
8

White Trash Beautiful.

Véritable coup de grisou sur la toile, Tucker et Dale ont fait parler d'eux plus que n'importe quel direct-to-dvd, et ont largement accumulé les récompenses lors de différents festivals (AMPIA,...

le 8 juin 2011

86 j'aime

15

Ted
SlashersHouse
3

Ted l'ours lourdingue.

Seth MacFarlane, père de la séries Les Griffin, nous livre ici son premier long-métrage qu’il réalise, écrit et produit. Les Griffin connait autant de fans que de détracteurs, la raison étant souvent...

le 30 août 2012

49 j'aime

8