Et une fois qu’on a défini El Topo (« la Taupe ») comme un western mystique, réalisé, scénarisé et interprété par Alejandro Jodorowsky – avec une musique composée par Alejandro Jodorowsky –, quoi d’autre ?
Quelques mises au point, peut-être. D’abord pour dire que l’intrigue n’est pas incompréhensible : il y a une quête, des épreuves, des étapes. À la rigueur, certains détails demandent des efforts d’interprétation, ou exigent moins une interprétation que des hypothèses. Je ne sais pas, moi, peut-être qu’à la question « pourquoi le môme n’apparaît-il presque jamais autrement qu’à poil ? », il y aurait une histoire de pureté ? Et peut-être que se demander « pourquoi des lapins dans l’enclos du Mexicain ? » revient à se demander pourquoi les Tortues Ninja mangent des pizzas plutôt que des beignets…
Deuxième précision : oui, El Topo est saturé d’un incroyable foutoir religieux. On parle d’un film sorti en 1970, d’une époque qui invente le new age et redécouvre le Loup des steppes, d’un western qui lorgne vers l’apologue. Et puis même sans ça, c’est un peu le principe de l’œuvre de Jodorowsky.
Troisième précision : d’une façon générale, c’est bordélique. Oui, les bruitages sont douteux, le sang ressemble à du ketchup dilué, le jeu d’acteurs est parfois aléatoire, et on se demandera toujours ce qui a poussé un personnage à emporter un ballon de baudruche en plein milieu du désert. Mais en même temps je doute qu’El Topo fasse partie de ces films pour lesquels l’illusion réaliste soit un incontournable. Et comme il y a plus d’idées dans cinq minutes de ce Jodorowsky que dans toute la filmographie de Luc Besson… Si les deux heures du film semblent en durer le double, ce n’est pas parce qu’il ne s’y passerait rien. Au contraire.
Pour finir, pas besoin de substances pour apprécier. À la rigueur c’est le film lui-même qui est psychotrope. Les deux heures qui paraissent en durer quatre, je viens de le dire, mais aussi les transitions kaléidoscopiques, et toutes ces scènes qu’aucun cinéaste depuis trente ans n’aurait eu l’idée de livrer à la projection : si après cinq ou six joints vous hallucinez d’un ermite à tresses assis à côté de son filet à papillons planté dans le sable, si un buvard d’acide vous fait voir un cavalier noir porteur d’ombrelle qui s’avance en plein désert avec un enfant nu en croupe, allez consulter ! – ou devenez réalisateur.

Alcofribas
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le 24 déc. 2016

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