On a beau être prévenu, savoir que ça va faire mal et on ne peut qu'être impressionné par les explosions de violence qui ponctue le film avec un froideur et une absence morale perturbante.
Évidement le film ne se réduit pas à ces quelques scènes qui vous glacent le sang dans votre fauteuil mais c'est ce point qui demeure quoiqu'il en soit le plus en mémoire.
Cependant le film ne manque pas du tout d'autres qualité à commencer par la mise en scène toujours aussi élégante et classieuse de To qui pour sa rigueur mathématique, sa photographie sombre et stylisée (une véritable claque elle aussi), ses personnages désincarnés et son traitement de la violence viscérale et direct se rapproche de plus en plus de Melville.
Son talent explose littéralement dans son découpage et son cadrage qui culmine dans la baston nocturne autour du spectre et du cache de cache muet qui précède.
Son rythme lent mais jamais ennuyant alterne moment de pur suspension (une voiture arrêté à un feu rouge, Big D assis seul dans un resto, des hommes derrière des barreaux) et donc explosion brutales qui parviennent toujours à surprendre alors qu'on les attend (parfois au mauvais moment).
Le scenario est un peu complexe à saisir je pense pour ceux qui connaisse mal ce milieu ou l'histoire récente de chine. Il faut donc un peu s'accrocher pour rentrer dans l'histoire mais une fois les rivalités misent en place, le film prend une allure passionnante où les 2 hypothèques chef placent leurs pions avec une précision digne d'un jeu d’échec.
C'est aussi une métaphore osée de la politique actuelle de la chine en même temps qu'un document saisissant sur les mafia chinoises.
Finalement l'histoire se rapproche grandement de sa musique. Sur une mélodie simple vient se développer rapidement un grand nombre de variation du thème qui en fait toute la richesse thématique.
Les acteurs sont tous impressionnants dans leurs sobriétés et leurs retenus qui deviennent d'autant plus menaçant qu'ils ont souvent le visage plongé dans l'obscurité avant qu'un autre cadrage viennent nuancer cette vision.
Ce passage de la lumière à la noirceur crée presque un deuxième montage dans le montage (qui aurait pu intercesseur Eisenstein) en même temps qu'il reflète l'amoralisme de l'histoire.
Et puis parce To est To le film se permet quelques notes décalé et presque surréaliste qui tourne l’univers mafieux avec une dérision assez étonnante (quelques notes d'humour, un générique de fin canto-pop et surtout une longue scène cérémonial).
Bref, Johnnie To continue de se montrer toujours aussi passionnant de films en films et demeure l'un des cinéastes les plus stimulant du moment.
(critique rédigé en 2007)