J'enchaînais la soirée nature ingrate, après Freaks.
Ou la preuve que, quand il a une vraie histoire à raconter, Lynch est capable d'autre chose que des films abscons et sans grand intérêt.
Délaissant l'élitisme au profit du biopic, il nous livre ici une œuvre aboutie, propre, empreinte d'émotion et portant malgré tout sa patte (les quelques rêves psychédéliques, il n'a pas pu s'empêcher, on pardonne).
J'éprouve une fois de plus un grand respect pour Anthony Hopkins, transpirant décidément la classe et la retenue.
Son rôle est poignant, primaire et profond à la fois.
Il véhicule une réflexion qui m'est très chère : la différence entre l'homme "bon" et "mauvais" ne réside-t-elle pas tout entière dans le simple fait que l'homme bon peut très bien accomplir des actions menant au même résultat que l'homme mauvais, mais sera capable d'introspection et de remise en cause quand il s'en aperçoit ?
C'est peut-être réducteur, cela n'excuse sans doute pas lesdites actions lorsqu'elles sont immorales, mais je suis en tout cas très sensible à ce type de cas de conscience, peu importe leur côté éculé.
Impossible de nier que le film prenne aux tripes, provoque la colère envers notre monde soi-disant "civilisé".
Comme la pragmatique infirmière en chef le souligne très promptement, montrer un animal de foire comme un trophée est-il plus excusable si cela se tient dans la haute société, sous couvert de lui offrir une compagnie agréable ?
Derrière la suggestion appuyée, Elephant man a en outre le bon goût de ne pas donner de réponses moralisatrices et simplistes.
À l'image de ce noir et blanc sublime, les personnages sont tout de clairs-obscurs, leurs faiblesses exposées au grand jour devant notre regard de spectateur/voyeur, mêlant la gêne à la fascination et au dégoût.
C'est indéniablement un choc, et 30 ans après il n'a rien perdu de sa force brute, de son message universel et (malheureusement) apparemment intemporel.