Pendant longtemps, si vous citiez Lynch, venait dans la conversation Elephant Man. Jusqu’à la sortie de Mulholland Drive disons. Est-ce à dire que ce film est représentatif du style de Lynch. Non pour la simple raison que le style de Lynch est protéiforme. On découvre ici l’existence et la vie de John Merrick (dont le vrai prénom est Joseph). Ce pauvre John a un physique tout à fait atypique. Son corps est totalement déformé. On est à la fin du XIXème, une époque pas très portée sur la bienveillance alors John est exploité comme monstre de foire. Le chaland bien sous tout rapport paie un montreur pour se faire peur à peu de frais. Un jour, un médecin passe par là et voit en Merrick un objet d’étude fascinant puis un ami sincère. Tout ici rappelle le Freaks de Browning, du noir et blanc très contrasté à la construction de l’empathie envers un personnage au physique à priori repoussant. Plus qu’un hommage, c’est presque une réadaptation. Ainsi, la morale de l’histoire est proche : le monstre n’est pas qui vous croyez. Tel un démon repenti, Merrick cite la Bible. Telle un objet renié par son créateur, il réalise une œuvre en trois dimensions pour conjurer le sort. Tel un être détesté et honnis par tous, il propose son amour inconditionnel. Le Mal, c’est l’autre et l’homme n’accepte pas de voir son portrait en creux ou par opposition. Au final, voici donc un film qui fonctionne très bien car il est le fruit d’une écriture maline et vive qui sait jouer sur ses références aussi bien que sur la manipulation du spectateur. En bonus, une très belle composition. Alors c’est ça Lynch ? Oui, entre autres choses.