Voilà un film qui n'a peur de rien. Ni de l'énorme, ni du grandiose, ni du grandiloquent, parfois, ni même du mythique au carré. Ça peut faire un peu peur, voire distraire de l'essentiel quand c'est mal maîtrisé. Sauf que là, non, tellement c'est assumé. Au contraire, dirais-je, car quand Elizabeth assume sa stature de reine iconique, c'est là qu'on se prend à suspendre son souffle pour elle. Alors que franchement, qu'un empire prenne l'ascendant sur l'autre ou le contraire, ça n'est jamais qu'une histoire de mégalomanie regrettable. Mais le tour de force de ce film, ai-je trouvé, c'est de nous faire entrer dans l'histoire par le biais de l'incarnation de ces destins hors du commun par des personnes prisonnières de ce qu'elles représentent de plus grand qu'elles. Comment elles affrontent cet invraisemblable fardeau, voilà toute l'affaire. Autour d'elles gravitent des cours, des églises, des systèmes économiques, des sociétés entières, dont elles sont le centre névralgique sans avoir jamais pu opérer le moindre choix. L'époque était ainsi et tout le faste du film concourt à faire prendre conscience de cette charge insupportable. L'angoisse d'Elizabeth pendant la bataille navale de 1585 ou la déroute morale de Felipe II au terme de sa défaite, voilà de quoi tenir en haleine et donner du grain à moudre. Davantage finalement que les enjeux intimes, pourtant au centre du scénario, de la "reine vierge", condamnée à une solitude forcenée. Reste à mentionner la composition bluffante de Cate Blanchett, évidemment, qui assoit là sans conteste sa propre souveraineté. Impressionnante.