N'ouvrez pas au Diable

Sympa le film de Verhoeven, mais c'est un peu brouillon.

Le problème, c'est qu'il fourre trop d'intrigues dans son récit ; alors certes, c'est lié par le thème (le déni majoritairement), mais est-ce bien pertinent de multiplier les intrigues qui en arrivent à la même conclusion tout ça pour faire passer un message ? Oui, ça permet de mieux saisir où Verhoeven veut en venir, mais ça fait aussi un peu propagande facile (tout va mieux pour tout le monde une fois le déni mis de côté) (encore que, l'histoire du père, on se demande si c'est bien utile malgré le thème, surtout que c'est résolu et bazardé en milieu de récit et qu'on n'y revient plus jamais). Alors non, non parce que, et c'est surtout ça qui dérange, ça crée des chutes de rythme dans le récit et ça empêche d'approfondir certaines situations. Par exemple, arrivé à 1h30, je me suis demandé pourquoi continuer le film, l'objectif principal est atteint. Puis j'ai compris qu'!il y avait effectivement matière à exploiter après cette révélation... sauf que Verhoeven ne l'exploite que très faiblement, ne va pas plus loin que le côté choc des choses. Heureusement, le côté choc suffit à divertir. Et puis malgré tout, les personnages sont chouettes, les scènes aussi maigres soient-elles sont prenantes, les dialogues sont simples et efficaces. Et puis il y a un peu d'humour, et il faut bien dire que ça aide permet de ne pas sombrer dans le truc complètement glauque, ça permet au spectateur de se détacher un peu de certaines situations que l'on pourrait qualifier de difficiles.

Au vu de laideur de l'affiche, des moches images de la bande annonce et de l'habitude que le bougre a de ne pas trop soigner son image (ça sent toujours le studio, le faux avec une lumière souvent plate), je m'attendais à quelque chose de moche ici aussi. Et pourtant non. À nouveau la lumière est un peu plate, c'est souvent très tamisé, les ombres sont faibles, mais j'ai trouvé qu'il y avait un ton assez plaisant : on passe du brillant au gris terne avec une certaine facilité. Les cadrages sont bien intéressants aussi : que ce soit lors d'un dialogue ou d'une scène d'action, on voit exactement ce qu'il faut voir et les compositions sont soignées. Le découpage est donc efficace, le montage n'empêche pas les chutes de rythme dues au scénario mais s'avère tout de même efficace dans le sens où le bougre ne fait pas durer inutilement les plans. Les acteurs sont également bons, à l'aise dans leur rôle : c'est souvent caricatural, comme le personnage de Virginie Efira, mais ça marche bien, ça permet même de mieux faire passer l'humour. Niveau musique et sonore plus généralement, j'ai trouvé que ça passait bien : pas de recherche particulière, quelques petites idées ici et là mais de manière général, le travail passe inaperçu... et en son, c'est un peu triste à dire pour les ingé, mais quand on ne remarque rien c'est que tout va bien (parlez d'un boulot ingrat ! j'aimerais d'ailleurs en parler plus souvent dans mes critiques, au moins positivement mais bon...).

Bref, c'était pas le régal espéré au niveau du scénario mais c'était bien et puis j'ai quand même été surpris au niveau de la mise en scène alors que c'est là que je m'attendais à être moins réceptif. Dommage mais bon, je me suis quand même bien amusé devant ce film.

PS : ce qui est amusant aussi, c'est de voir la réaction des gens autour de ce film. Beaucoup semblent le considérer comme choquant, malsain, glauque. Je comprends que la relation entre l'héroïne et son agresseur puisse choquer mais je trouve que le traitement n'est jamais vraiment glauque (d'ailleurs il n'y a pas tant de scènes que ça avec l'agresseur, d'où ma déception quant au traitement de cette situation). Au final, ces réactions montrent à quel point les gens sont attachés aux valeurs morales de la société. En soi, une pratique sexuelle n'a pas à être cataloguée comme 'mal' (tant qu'il y a consentement des deux parties, et là, évidemment, l'entrée en matière est 'mal' mais après si les personnages s'y complaisent ça les regarde eux, seulement eux. Ça n'empêche pas d'être pour ou contre, mais toujours tout ramener à la notion de bien et de mal, c'est un peu désespérant. Parlons plutôt d'illégalité, parce que je doute vraiment qu'il y ait un tribunal céleste qui vous condamnera pour avoir épié une voisine nue. Cela me fait penser à certains journaux en ligne où les gens se manifestent dès qu'il y quelque chose 'd'anormal', comme par exemple une relation incestueuse. L'inceste n'est réellement gênant que pour la conception d'un enfant, de nos jours, il n'est plus nécessaire d'aller voir une tribu voisine pour élargir le clan, créer des trêves et tout le bazar qui était nécessaire il y a encore quelques centaines d'années. Aujourd'hui, le seul problème avec l'inceste, c'est la société qui est fermée à cette pratique sans être réellement capable de se justifier autrement que par le divin jugement : c'est mal. Enfin soit, tout ça pour dire que le film n'est pas aussi malsain que le laissent entendre les critiques (pro ou amateurs), et qu'à la place je préfère le terme générique 'intéressant', car c'est intéressant comme situation, on ne voit pas assez souvent ce genre de relation, je pense que c'est une piste à explorer plus en profondeur.