Le monde est dingue (c'est prouvé)

Retour sur le film de Verhoeven un auteur dont j'adore généralement les films.


Le positif: Huppert est géniale, et l'ami Paulo qui est aux manettes n'a pas perdu de son talent. Histoire décalée, suspens, personnages marquants et originaux à contre-courant du bien pensant.


Le négatif : à mon sens Verhoeven s'est fait un peu trop plaisir.


Le film raconte l'histoire d'une femme "Michèle", mère de famille, chef d'entreprise, fille d'un père interné/emprisonné pour un crime horrible. Elle est victime d'un viol par un inconnu chez elle.

Au lieu d'appeler la police, elle reprend sa vie normalement en ménageant ses proches. On découvre peu à peu la personnalité singulière de Michèle qui ne semble pas marquée outre mesure par l'expérience.


D'emblée c'est le ton de l'histoire et le comportement de Michèle, génialement interprétée par Isabelle Huppert, qui fascine. Le film est un thriller, cocasse ce qui est un mélange assez étrange mais dans lequel Verhoeven excelle, et mélange l'un et l'autre avec un grand talent.


Au dela du personnage principal, il nous présente toute une galerie de personnages décalés sur un mode absurde/comique. Les situations sont bien cocasses : le boulot (petit coucou au studio Cyanide !), le fils et sa copine, la femme du voisin Virginie Elfira, la mère etc..., bref...


Or c'est à ce moment que Verhoeven a finit par me perdre dans son film.
Au dela d'un portrait singulier d'une femme qui est en contrôle total de sa vie et de ses proches avec sourire et détachement, c'est toute notre société qui est présentée sur le mode : "notre société et les relations humaines ne sont "normales" qu'en apparence", tous sont esclaves de leurs perversions, pulsions etc.


La ou j'aurais aimé avoir une vision du monde tel que "Michèle" le perçoit et qui du coup justifie un peu toute sa psyché, on est au contraire dans une "dinguerie" assumée et désabusée du monde. A mon sens, le film n'est pas du tout clair la dessus (ou l'est trop).


L'histoire de la victime qui n'en est pas une, est intéressante et globalement traité de façon assez magistrale.


Par contre, le pendant désabusé et misanthrope de Verhoeven qui transparaît dans le film m'a finalement mis le plus mal à l'aise. C'est juste une question de degré et de niveaux, mais cela suffit à affaiblir et décrédibiliser l'histoire. Et c'est dommage.


Fargo (pour ne citer que celui ci des frères Cohen) pouvait faire rire avec des situations horribles et absurdes.
Cronenberg pouvait mettre en place des rapports humains décalés (car humains justement) comme dans History of Violence.


Mais ici, on n'atteint pas le même type d'équilibre, car il n'y a pas de distance : tout est au même niveau la vision du monde de Michèle et notre vision du monde.


Cette misanthropie parasite et affaiblit dans une certaine mesure l'histoire de Michèle : on n'a pas besoin de la galerie de perversités des relations qui l'entoure (travail, amis, famille etc) pour comprendre et s'intéresser à sa psyché, pourquoi nous distraire avec ces à coté qui ne sont pas de son fait ?


Tout dans notre monde n'est pas matière à la folie, la perversion-égoïste... Quid de l'empathie, de l'amour, du sacrifice/désintéressement etc. ? C'est une autre forme de folie/absurdité si on l'en croit le personnage du fils qui s'échine à se déclarer père d'un enfant qui n'est pas le sien...


Bref, la conclusion à laquelle on arrive est "les gens sont tous plus ou moins dingues et dangereux, mais bon c'est la vie".


Mais est-ce vraiment possible d'entendre cela avec une histoire aussi caricaturale, du coup ?
Un gros dommage pour moi...

Mortadelle
6
Écrit par

Créée

le 1 mai 2017

Critique lue 219 fois

Mortadelle

Écrit par

Critique lue 219 fois

D'autres avis sur Elle

Elle
Velvetman
7

Désir meurtrier

Le contrôle et la manipulation sont des thèmes récurrents dans les films de Paul Verhoeven notamment quand ce dernier s’entoure de personnages féminins comme l’étaient Nomi (Showgirls) ou Catherine...

le 26 mai 2016

105 j'aime

14

Elle
mymp
5

Prendre femme

Évidemment qu’on salivait, pensez donc. Paul Verhoeven qui signe son grand retour après des années d’absence en filmant Isabelle Huppert dans une histoire de perversions adaptée de Philippe Djan,...

Par

le 27 mai 2016

86 j'aime

5

Elle
pphf
5

Dans le port de c'te dame

On pourra sans doute évoquer une manière de féminisme inversé et très personnel – à peine paradoxal chez Verhoeven : on se souvient de la princesse de la baraque à frites dans Spetters, qui essayait...

Par

le 3 juin 2016

73 j'aime

20

Du même critique

Station Eleven
Mortadelle
9

There is no Before

Très bonne surprise de cette fin 2021/début 2022. C'est l'adaptation d'un roman de Emily St. John Mandel publié en 2014. L'adaptation en mini-série est différente du livre, si vous l'aviez lu et aimé...

le 22 janv. 2022

8 j'aime

Wildstar
Mortadelle
9

Le MMO qui va te faire transpirer des doigts !

Un jeu largement sous-estimé ou mésestimé. J'y joue depuis la beta, et quel chemin parcouru depuis un peu moins d'un an... On sent bien que le studio ne dispose pas de moyens pharaoniques et de la...

le 16 mai 2015

2 j'aime

Effets secondaires
Mortadelle
4

Et la liste des hold-up continue....

Soderberg a longtemps été un de mes réalisateurs US préférés que je suivais avec attention, un de ses meilleurs films ayant été pour moi : The Limey (l'Anglais). Je continuais de voir ses films avec...

le 5 mai 2013

2 j'aime