On ne reviendra pas sur la grandeur évidente du cinéma aussi piquant que jouissif du génial Paul Verhoeven, dont la carrière Hollywoodienne - autant parsemée d'embuches que de chefs d’œuvres - aura grassement nourrit les cinéphiles endurcis que nous sommes.


De retour dans sa Hollande natale, fatigué par un société ricaine qu'il a pervertit et décortiqué sous toutes les coutures - et plus que de raison -, le bonhomme nous avait balancé à la figure il y a de cela dix printemps déjà, un Black Book bouillant comme la braise, un regard de chair et de sang sur la seconde guerre mondiale aussi foudroyant que destructeur.


Un must-see et puis...plus rien, ou presque.


Absent de nos salles obscures depuis une décennie tout rond - l'insoumis ne s'était pas pour autant arrêter de tourner -, le Paulo revient en grande pompe et avec les honneurs d'une sélection officielle au dernier festival de Cannes (d’où il est repartit étrangement bredouille) via Elle, projet surprenant sur le papier puisqu'il est un film purement français et adapté du célèbre roman de Philippe Djian, Oh...


Roman dénué de toute morale au propos repoussant et méchant, avec un casting aussi talentueux qu’hétéroclite (l'inestimable Isabelle Huppert, suppléée par Laurent Lafitte, Charles Berling, Anne Consigny et Virginie Efira) et un personnage principal féminin fort; Elle avait tout en lui pour incarner une satire sociale odieuse et dérangeante comme le cinéaste les aime tant, un film de genre mordant et tordu comme on en voit que trop rarement aujourd'hui.


Après vision, le seizième long métrage de Verhoeven est non seulement un sommet de provocation, mais il est avant tout et surtout l'une de ses œuvres les plus inspirées; démontrant qu'à l'aube de ses quatre-vingt ans, le " Hollandais violent " n'a définitivement rien perdu de sa superbe.


Elle ou l'histoire de Michèle, quinquagénaire qui fait partie de ces femmes que rien ne semble atteindre.


À la tête d’une grande entreprise de jeux vidéo, elle gère ses affaires comme sa vie sentimentale : d’une main de fer.


Sa vie bascule lorsqu’elle est agressée chez elle par un mystérieux inconnu.


Inébranlable, Michèle se met à le traquer en retour.


Un jeu étrange s’installe alors entre eux, un jeu qui, à tout instant, peut dégénérer...


S'appropriant pleinement une œuvre originale faite pour lui mais pas forcément aisée à adapter pour autant, Verhoeven s'attache au destin rocambolesque d'une quinqua à la froideur au moins égale à son statut de quasi-sociopathe - enfance morbide à la clé - dont la manière singulière de gérer son viol (entre déni et profond plaisir) pour mieux égrainer les thèmes qui lui sont chers (le sexe comme outil de pouvoir/contrôle de l'autre, la prise de pouvoir sur l'homme de la femme) et ainsi dresser un portrait cinglant et sans concession d'une créature solitaire et de son rapport fonctionnel/amoral à l'autre (et même plus directement, de la vieille bourgeoisie parisienne); une femme en pleine souffrance intérieure qui va peu à peu se détacher de ce qu'elle est, pour finalement se transformer en prédatrice de son propre bourreau.


Comédie noire façon drame social jusqu'au-boutiste et jouissif à souhait (le Paulo évite la carte du thriller/revenge facile et méchamment commun), insolent comme ce n'est - presque - pas permit et porté par une merveilleuse Isabelle Huppert (parfaite et tout en sarcasme) en muse aussi dévouée qu'insoumise - tout comme lui -, Elle est une formidable satire sociale, ambiguë, dopée au mauvais gout et jamais vraiment sérieuse, un énième regard cinglant sur le monde d'un grand cinéaste à la puissance évocatrice singulière et perverse.


Verhoeven est de retour et son nouveau coup de pied dans nos corones nous fait méchamment du bien, à tel point qu'on en redemanderait presque immédiatement la salle quittée...


Jonathan Chevrier


http://fuckingcinephiles.blogspot.fr/2016/05/critique-elle.html

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le 30 mai 2016

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