Ah, Paul Verhoeven ! 10 ans ! 10 ans que le "hollandais violent" n'avait plus donné signe de vie, au point que beaucoup le pensait bel et bien à la retraite. Et pourtant... il est bel et bien de retour avec un thriller psychologico-érotique glaçant, délicieusement pervers et agréablement tordu.


Sur fond d'une histoire de viol dont la victime (une femme froide, rigide et infecte à la psychologie quasi inexistante) ne semble pas trop avoir l'air de s'inquièter, "Elle" est avant tout ni plus ni moins qu'un portrait de femme, bien plus qu'un simple thriller pyschologique rempli de rebondissements.
Toute l'intrigue repose entièrement sur les actions et la mentalité de l'héroïne. Gérant sa vie d'une main de fer, n'hésitant pas à se montrer infecte envers certains de ses proches (sa propre mère, sa belle fille) qu'elle considère comme mauvais, Michelle est l'exemple-type du personnage exécrable qu'on adore détester. C'est d'ailleurs le tempérament détestable du personnage qui rend nombre de scènes du film assez drôles (un repas de noël se transformant en règlement de comptes familial, l'héroïne racontant avec un naturel désarmant le terrible cauchemar familial qu'elle a vécue étant petite).


Et pourtant, plus le film avance, plus on commence à comprendre en quoi et surtout pour quoi ce personnage est au fond si froid et se montre totalement indifférent envers les autres et la société en général. Et plus il avance, plus on s'aperçoit que des personnages en apparence sage et lisse dissimulent en fait de sombres tourments tout aussi perturbants que la caractère de l'héroïne.


Ponctué de dialogues à l'ironie féroce, privilégiant une ambiance quelque peu tordue (l'héroïne décidant de se livrer au jeu de son bourreau pour mieux l'attraper), se montrant aussi réflexif sur l'être humain et sa part d'ombre, sur les rapports ambiguës entre sexe et violence, "Elle" est un film qui ne manque pas d'ambitions et qui, s'il pourra en rebuter certains de par la totale froideur du personnage principal, ne laissera personne indemne tant il privilégie les niveaux de lectures et les ambiguités.


L'interprétation est elle-aussi surprenante. Outre une Isabelle Huppert certes impeccable mais finalement assez peu surprenante car habitué depuis un bon moment déjà à jouer ce type de personnage (on ne peut s'empêcher de repenser par moments à "La pianiste" de Haneke), on retiendra l'interprétation solide de Lauente Laffite, dans un total contre-emploi, l'extraversion d'Anne Consign ou encore le naturel de Charles Berling, tous de bons comédiens français s'il en est.


Au final, on obtient un brillant Verhoeven, peut-être un rien moins épatant que "Starship troopers" et moins sauvage que "Basic instinct", mais en tout cas diaboliquement jubilatoire.

Créée

le 30 mai 2016

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