Au rendez-vous des psychopathes

Cela faisait un moment que j'avais posé mon stylo à côté de mon carnet de critiques. Le temps me manque d'écrire, l'inspiration parfois, l'envie jamais.


C'est peut-être l'unique point qui me rapproche de Papy Paul Verhoeven, réalisateur de renom, qui revient à 77 ans pour une nouvelle production. Autant Ridley Scott de la même cuvée tourne trop, autant Verhoeven a manqué au cinéma. Quatre ans qu'il n'avait pas tourné, mais plus de seize qu'in n'avait pas retenti aussi fort.


"Elle" fait du bruit, sûrement dans le même fracas que le cendrier qui se brise lors de la scène d'introduction. Pas le temps de respirer, qu'un violeur se glisse par la fenêtre d'Isabelle Huppert, devant un chat voyeur et passif. S'ensuit une enquête sur une grosse heure à chercher l'identité du criminel. Pourtant, Michèle en victime glaçante, elle s'en fout.


Elle n'est pas inquiète et reste distante.
Elle n'est pas non plus effrayée et fait preuve d'une troublante solitude.
Elle dort avec un marteau, casse les vitres des voitures et a soif d'une étonnante justice.
Elle fantasme sur son voisin souriant et bien avenant, en se masturbant jumelles en main.
Elle entretient une vie sexuelle embarrassante et compliquée.
Elle est autant victime que voyeuse, autant incomprise que marginale, autant touchante que flippante.
Elle, c'est en fait un vaste mot qui renferme un mélange de caractères inénarrable.


Certains trouveront l'oeuvre géniale, criant au génie de l'ami Paul, et d'autres demanderont l'arrêt du jeu de massacre psychologique, trop subversif et gênant. Et puis, il y a les perplexes, comme moi.


Perplexe, pourquoi est-ce le mot exact ?


Déjà parce que je me sens incapable de décrire mon sentiment depuis que j'ai quitté mon siège. L'impression d'avoir vu ça mille fois se supprime face à l'ambiance unique qu'a installé le Hollandais Violent. C'est un film d'atmosphère, qui pêche un peu par son scenario trop prévisible.


L'identité du violeur arrive à mille mètres et est repérable pour ainsi dire dès la bande-annonce.


A moins que ce ne soit qu'un prétexte pour évoquer quelque chose de plus profond qu'une simple enquête. Et dans ce cas, Paul Verhoeven aurait réussi son coup.
Arrivé dans la dernière demi-heure, on le sait, c'est bien qu'un prétexte. Petit malin !


Perplexe aussi à cause du jeu d'acteurs. Isabelle Huppert semble à dix mille lieues de son personnage, Laurent Lafitte jamais aussi loin de la Comédie Française, Charles Berling un peu "je-m-en-foutiste" et Anne COnsigny, pas tellement concernée. Mais au final, ne serait-ce pas qu'une impression ?
Tous les personnages racontent une histoire, une complexité, remplis d'ambiguité, tout en étant l'objet d'une parfaite composition. De sonner faux, ils passent à paraître réels. Alors, que penser ?


Que chacun d'eux est un véritable psychopathe en puissance et que le spectateur qui cautionne la brutalité et l'amoralité de ce film ne l'est pas moins. Et c'est en ça que c'est une oeuvre réussie, avec toute la perplexité qui la conditionne. On pourra toujours reprocher à Verhoeven d'avoir voulu tout dire d'un coup, se mélangeant les pinceaux. Peu importe, de vos pinceaux, il en fait des armes de poing.


Au final, j'ai cautionné. Il est temps que je m'interroge.

letitmec
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le 1 juin 2016

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letitmec

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