Honnêtement, je pensais que Paul Verhoeven était déjà mort. Pour moi, c'était un de ces réalisateurs du siècle passé qui ont arrêté de faire des films depuis un moment pour se concentrer sur une vie trépidante en maison de retraite ou au cimetière. Quelle surprise de découvrir que, non seulement il était encore en vie, mais en plus il continuait à faire des films. Et en français en plus, avec ce Elle !


Bon, il n'y a pas de quoi se réjouir non plus. Du haut de ses 77 ans, Paupaul a déjà perdu toutes ses dents, du coup il se lâche à fond et balance tous ses fantasmes dans un seul film. Le problème c'est qu'avec la vieillesse, il a un peu perdu la boule, ce qui fait qu'il en a pas mal de fantasmes, qu'en plus ils sont un peu bizarres mais aussi que tout n'est pas clair dans sa tête. Puis bon, il fait du grand cinéma hein, il balance pas non plus ses fantasmes comme ça, attention ! Non non, il déballe tout ça en deux longues heures, avec une réalisation fortement influencée par toute la drogue ingérée les veilles de tournage, on ne fait pas les choses à moitié aux Pays-Bas après tout.


Bref. Elle, c'est l'histoire de Michèle, jouée par Isabelle Huppert. Dès le début du film, elle se fait agresser et violer dans son salon tandis que son chat tout mignon regarde sans rien faire. Du coup, elle fait un peu la gueule la miss Huppert. Mais bon, elle décide de faire comme si rien ne se passait et retourne travai... pardon, gueuler sur des développeurs parce qu'ils ne travaillent pas assez vite. Du coup, elle fait toujours la gueule, il y a des deadlines à respecter quand même. Ah et puis son fils a foutu enceinte la casse-couille du coin, du coup elle n'est pas contente et fait toujours autant la gueule. Il y a aussi sa mère qui a trouvé un nouveau mari, son criminel de père qui repasse à la télé, son ex-mari, écrivain, qui est en couple avec la présidente de son fan club et son amant / époux de sa meilleure (seule ?) amie qui est en manque constant de sexe mais ça la saoule un peu. Madame Huppert, quand elle lit ce script, elle se dit que la Michèle là, elle a bien une vie de merde. Alors elle ne fait pas les choses à moitié la Huppert, elle se vêt de sa plus belle imitation de grumpy cat et la porte pendant les 130 minutes du film. Après tout, le meilleur moyen de jouer un personnage qui a une vie de merde, c'est de faire la gueule pendant toute la durée du film et de ne surtout pas essayer de faire autre chose, au moins le spectateur il comprend bien le principal : sa vie, c'est de la merde.


Mine de rien, le résultat est un peu tristounet. On sent qu'il pouvait y avoir du potentiel dans Elle. Le film traite d'un sujet relativement important et intéressant [si bien traité] et part d'un contexte plutôt original et bien pensé. Si on arrêtait le temps au tout début du film, on se retrouverait avec une multitude de personnages assez diversifiés et tous dans des situations potentiellement intéressantes. On se retrouverait aussi avec un casting plutôt pas mal et des acteurs qui - on le sent parfois dans le film - savent quand même ce qu'ils font. Malheureusement, on se retrouve seulement avec du potentiel et - pire encore - un sujet de base malmené par un traitement raté. Tout ceci est majoritairement causé par une écriture médiocre et maladroite, puis souligné par une réalisation quelconque, une ambiance malaisante (mais pas dans le sens voulu) et un script qui se barre très vite en couilles.


Tous les personnages et intrigues orbitent autour du personnage principal, n'ayant absolument aucun sens ou intérêt en eux-mêmes (d'ailleurs, je n'ai pas souvenir d'une scène où elle n'était pas présente). Du coup, le caractère cynique et malsain du personnage se transmettent rapidement au reste du film. Ça donne quelque chose de totalement vide de sens, rendant le tout très vite ridicule. Je dois avouer avoir rigolé pendant une bonne partie du film, ces rires n'étant qu'encadrés par des soupirs lorsque les fantasmes malsains de mister Paul resurgissent pour la cinquantième fois sans pour autant faire de sens au niveau narratif ou scénaristique. C'est d'ailleurs une autre caractéristique de cette écriture qui part en cacahuète assez vite. Partant pourtant de bases assez intéressantes au niveau scénaristique, ça tourne assez vite en rond et ne va nulle part. D'ailleurs, certaines intrigues secondaires sont complètement abandonnées en cours de route, sans aucune conclusion, ou bien se résolvent par magie sans aucune explication. Sans surprise, on se retrouve donc avec une intrigue lourdingue, prévisible et ennuyante. Les dialogues n'ont pas grand chose à envier à l'intrigue, étant, eux aussi, très plats.


C'est d'ailleurs la même chose pour la réalisation. Très posée et quelconque, elle n'a pas grande utilité, ne faisant même pas l'effort de supporter l'ambiance malsaine et perverse que tente d'imposer le film. Mention spéciale à tous ces flous artistiques dont je n'ai pas bien vu l'intérêt ou la symbolique, si ce n'est de me donner mal à la tête à force d'en user à tout va. Finalement, les scènes qui marchent le mieux de ce côté sont celles qui ne tentent pas de faire quoique ce soit, si ce n'est laisser le spectateur profiter de jolis décors : la scène finale et ses jolis oiseaux évidemment, mais aussi les différents plans silencieux où les personnages sont en retrait ainsi que, bien évidemment, les scènes où le chat est personnage principal Imaginez ma tristesse quand ce dernier a complètement disparu en plein milieu du film sans aucune raison, probablement parce que son humain de compagnie s'est mis à lui raconter sa vie et à lui faire la morale quand il venait juste demander à manger. Ah, je dois avouer que la scène d'ouverture était par contre plutôt chouette d'un point de vue réalisation, servant et appuyant très bien le propos, contrairement à ce qu'elle fait pendant tout le reste du film.


Elle, finalement, c'est une comédie absurde portée humour noir, à deux pas du nanar, et dans ce sens ça fait très bien son boulot vu qu'on rigole pas mal. Ou bien, un thriller qui tombe à plat faute d'une écriture médiocre, d'une réalisation quelconque et de ficelles bien trop peu subtiles qui ne laissent pas les personnages et les acteurs exploiteur tout leur potentiel. Ah, sinon, c'est un film féministe pour son réalisateur qui ferait mieux de partir à la retraite, ne se rendant pas compte que féminisme ne rime pas vraiment avec « personnage entièrement défini par ses relations avec des hommes ». Comme quoi, ça dépend vraiment des points de vue.

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le 11 juin 2016

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