Pour son premier film, Jeanne Herry a choisi de mettre en scène un scénario plutôt ambitieux. Malheureusement, ce scénario se repose un peu trop sur son postulat de départ, assez rocambolesque. Si Vincent Lacroix était un homme égocentrique et manipulateur, on aurait pu comprendre qu’il s’appuie sur une fan dont il ne connaît presque rien, sinon qu’elle assiste à tous ses concerts, en la faisant chanter, mais ici, il est présenté comme un homme tout-à-fait normal, et on se demande comment il a pu avoir l’idée d’impliquer une personne tout-à-fait extérieure à l’affaire… Si on accepte l’idée de base (qui n'en reste pas moins intéressante), on pourra tout de même apprécier le déroulement du scénario, quoique la fin apparaisse trop rapide. C’est dommage parce qu’indéniablement, Jeanne Herry a du talent pour faire exister ses personnages, en filmant les petits riens qui composent leur vie de tous les jours, ce qui confère une forte épaisseur à leur caractère. Et on s’y attache d’autant plus qu’ils sont incarnés par des acteurs tous excellents. Mais évidemment, c’est particulièrement Sandrine Kiberlain qui crève l’écran, aussi crédible en fausse naïve qui raconte des histoires pour se la ramener qu’en manipulatrice forcée qui raconte des histoires pour sauver sa peau. Elle nous rappelle ainsi qu’elle est tout bonnement une des plus grandes actrices du cinéma français contemporain. Avec une telle actrice sous la main, il est dommage que Jeanne Herry n’ait pas opté plus franchement pour le ton de la comédie. Ses scènes d'interrogatoires à la fin, gentiment amorales, lors desquelles elle essaye de berner les policiers avec ses histoires, sont réjouissantes. L'hésitation entre thriller et comédie s’en ressent tout de même sur le rythme du film, qui tient mal la durée. Un film sans génie, mais réalisé et interprété avec talent.