Julia Jarmond, journaliste franco-américaine, enquête sur la Rafle du Vel’ d’Hiv’, événement de la Seconde Guerre Mondiale encore inconnu, à l’époque, en France. Son enquête va l’amener aux propres secrets de sa famille et sur la trace d’une petite fille qui s’appelait Sarah…


Il n’est jamais facile de parler de l’impensable, alors le montrer… C’est néanmoins le pari que s’est fixé Gilles Paquet-Brenner qui avait la tâche contraignante de montrer ET la tragédie de la Shoah, via cet épisode encore peu connu à l’époque (la Rafle du Vel’ d’Hiv’), ET la tragédie qui a frappé cette Sarah, qu’une décision malheureuse a condamné à jamais à se cloîtrer dans la douleur et les remords.
Si vous n’avez pas vu le film ou lu le livre de Tatiana de Rosnay, je ne vous dirai rien. Il y a des choses qui ne se disent pas mais se montrent.
Au-delà de la réalisation, du scénario, du montage, du jeu d’acteur, etc. qui sont tous géniaux, ce que je trouve très intéressant dans ce film, c’est la manière de composer ses plans. En effet, il est propre à n’importe qui de prendre un support numérique et de filmer. Mais faire des plans qui trahissent un propos cohérent, c’est une toute autre histoire. C’est le problème auquel a dû faire face à plusieurs reprises le réalisateur : comment filmer concrètement et sensiblement un tel sujet ? Avec gravité et sérieux. Mais comment filmer deux instants fatidiques de la vie de Sarah ?


La découverte du corps de Michel


Le premier, en montrant la terrible faute de Sarah ou justement en la sous-entendant ? Et bien, c’est là tout le problème parce que 1) en montrant tout, on nous place dans une position de voyeuriste et on nous montre gratuitement une violence inimaginable ; 2) en sous-entendant tout, on nous met quand même dans une position de voyeuriste et on nous montre gratuitement la douleur inimaginable des protagonistes. Donc que faire ?


La mort de Sarah


Le deuxième moment fatidique est… plus perturbant car je me demande si ce n’est pas une erreur de montage ou… je ne sais pas. Certes, on avait toutes les ficelles pour comprendre dans quel état psychologique était Sarah et donc ce qu’elle allait faire mais… la scène reste bizarrement tournée parce qu’elle trahit toute l’astuce… qu’on ne révèle quand même pas ! Donc on a le droit à quinze minutes supplémentaires où on nous explique que ce qui est arrivé à Sarah ne lui est pas arrivé comme on le croyait alors… qu’on a deviné ça depuis quinze minutes ! Qu’est-ce qui s’est passé à ce moment-là ? Le réalisateur a eu un coup de mou, il n’a plus réfléchi à comment retranscrire l’adaptation, il s’est dit que c’était plié ou est-ce qu’il a oublié qu’il ne s’adressait pas qu’à ceux qui avaient lu le livre ?


Du coup, ça crée une fin très longue et un peu molle pour rien. D’où l’intérêt de faire attention à ses plans. Parce que, ou tu seras dans l’incapacité d’adopter un point de vue neutre et juste, ou tu trahiras toute la fin du film et bousilleras, au passage, tout l’intérêt de ton troisième acte.
Et il y aura, quelque part, un spectateur qui sera gêné de relever ces incohérences… parce que le sujet est sensible.

Créée

le 25 mai 2020

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