Le réalisateur de La Chute s’est hanté de la mémoire de ses films autant qu’il l’était lui-même par le passé de son pays. La fièvre du biopic anti-révisionniste le reprend avec l’énigme de Georg Elser, une non-histoire que le titre ne se prive pas de dénoncer sous forme de quasi-slogan commercial : ”il aurait changé l’Histoire” en VO, ”13 minutes qui n’ont pas changé l’Histoire” en grec & en italien.
J’aime bien les non-histoires. Elle nous éclairent sur notre rôle individuel & font rêver avec des choses méconnues qui ne sont pas fausses. Elles ne sont seulement pas vraies non plus.
Je suis donc aussi content d’avoir appris l’existence de Georg Elser & d’avoir pu passer un moment en sa compagnie (très soignée par Christian Friedel) que je suis agacé par la vocation totalement artificielle du film. Il y a une différence entre enseigner ce que le passé néglige & le faire enfler sous les caméras, surtout quand on se place d’un point de vue réhabilitateur qui épilogue avec un rappel des pertes humaines. Hirschbiegel semble s’en excuser avec des images qui s’essayent à la contemplation mais s’enferment en réalité dans les paysages alpins comme s’ils ne valaient pas mieux qu’un bunker. Le film explore plein de vrais lieux qu’il se sent obligé d’étiqueter en toutes lettres pour rappel, mais s’étouffe tout seul avec des plans souvent pointés vers le bas dans… je ne sais pas, une humilité mal placée ou une forme d’insensibilité à l’espace.
Sa seule ouverture est la narration alternée de deux parties de l’histoire, occasion de faire des transitions intelligentes qui valorisent le contraste établi par la décennie 1930 en Allemagne, faisant doucement glisser le pays blessé mais humble de l’entre-deux-guerres vers une nation remplie de ressentiment, pendant que des plans plus intimes instillent une vraie progression &, Gott sei dank, un peu de sentiment dans l’ensemble.
On se rappellera au moins d’un film bien accessoirisé où Hirschbiegel confirme qu’il est un des meilleurs parmi les nombreux réalisateurs qui eurent à représenter le soldat aryaniste sous ses traits les plus gestapomorphes : ses Nazis reluisent dans le miroir de l’expérience antifasciste qui a globalement été jusqu’ici celle de l’Europe contemporaine, sans toutefois inscrire Elser au rang des jugements cinématographiques les plus brillants.
→ Quantième Art