Ce soir, cher abonné, je suis tombé de haut.


Car je me suis rendu compte que les badges, Sens Critique, et bien, c'est pas eux qui les ont inventés, ces vils copieurs, ces honteux forbans, ces saletés de pirates. Car ils ont volé la recette... Non, non, pas aux vieilles peaux des pubs Tipiak, mais à Elvis Presley, rien de moins. Car c'est le King, en effet, qui s'est affirmé comme le pionnier de la chasse à cet objet rare. C'est lui qui s'est affirmé comme un visionnaire, presque cinquante ans avant qu'un site ne les remette au goût du jour.


Il n'avait même pas pris la peine de dresser le top 12 des meilleurs films d'infiltrés. Il n'aurait pas pu, de toute façon, vu que Donnie Brasco et Les Infiltrés, ça n'était même pas encore sorti. Non, Elvis Presley, dans Elvis & Nixon, il n'est pas dépeint comme un (faux) cinéphile, mais comme un grand gamin. Qui a le pouvoir d'assouvir à peu près tous ses caprices, même les plus saugrenus.


L'atmosphère des années soixante dix éveille chez la star l'envie subite d'être utile et de servir son pays, en proposant directement à la Maison Blanche de devenir un agent sous couverture. L'icône, l'emblème veut avoir son badge, pour tenir compagnie à celui qu'il a obtenu en tant que shérif de Memphis. La voix de Bullwinkle l'a bien eu. Pourquoi pas lui ?


L'anecdote pourrait sembler dérisoire si elle ne permettait pas à Liza Johnson de mettre une sorte de feelgood movie un brin loufoque, de dessiner le portrait drôle et étonnamment attachant d'un petit garçon qui, finalement, en rencontre un autre. La réalisatrice joue constamment sur les décalages, en confrontant deux caractères et deux incarnations des seventies diamétralement opposées mais qui, contre toute attente, éprouvent une sorte de respect mutuel.


Le décalage résulte aussi de l'observation de deux figures et de leur impact sur le réel. Sans artifice, sans nécessité de surligner les effets pour arracher un sourire. Elvis, par sa seule présence de son personnage, et celle d'un Michael Shannon pourtant loin d'être évident pour le rôle, altère la perception d'une réalité qui lui semble totalement étrangère. Il crée la sienne et celle qui l'entoure. Il est une anomalie qui étonne et déconcerte. Ou quelque chose à laquelle on ne croit pas. Les codes très personnels du grand enfant qui l'animent, qui le poussent à s'habiller de manière si puissamment kitsch, détonnent quand ils voisinent la vie du commun des mortels.


Le monde de Nixon, lui, est contenu tout entier dans un bureau ovale dans lequel son personnel va et vient, sans que pourtant jamais il n'en sorte. Ces deux bulles, en se rencontrant, n'éclatent pas. Elles se fondent en des préliminaires en forme de chocs des mondes, lors du passage de mesures de sécurité décalées ou d'un briefing aussitôt oublié ; pour ensuite donner lieu à un entretien curieux, qui semble si irréel que l'on doute parfois qu'il ait même eu lieu.


Liza Johnson élargit son propos en croquant l'incroyable poids de influence de tels personnages sur leur entourage respectif, constitué de petites mains de l'ombre et d'amis fidèles représentés par un quatuor Pettyfer / Knoxville / Hanks / Peters qui sonne toujours juste tout en permettant de découvrir l'homme d'état et l'artiste sous un jour plus personnel et intime.


S'il n'est pas, à l'évidence, le film du mois, Elvis & Nixon, bourré de détails méconnus et savoureux sur ses personnages et finalement, sur son temps, pose sur eux, le temps d'une heure et demi très agréable, un regard malicieux et bienveillant qui procure au spectateur un sourire qui perdure jusqu'aux dernières notes du générique final, le tout dans un rafraîchissement bienvenu et plaisant, léger comme une bulle de savon qui fait pop'.


Behind_the_Mask, qui veut les mêmes lunettes que celles d'Elvis.

Behind_the_Mask
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le 20 juil. 2016

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