En avant
6.8
En avant

Long-métrage d'animation de Dan Scanlon (2020)

2020 s'annonce comme une année de nouveautés chez Pixar qui propose deux projets originaux. Avec son univers galvaudé, son design graphique peu inspiré et un réalisateur inconnu à la barre, Onward faisait pâle figure à côté des premières images de Soul de Pete Docter. Ce conte familial s'avère finalement être une très bonne surprise.


Dans le dernier numéro des Cahiers, Stephane Delorme dans un article un peu vain s'évertue à démontrer que la cause de la chute du cinéma hollywoodien actuel serait du à l'expansion de la fantasy. Cherchant des raisons au mauvais endroit, il oublie de repenser la puissance de la fantasy pour le récit. N'est il pas finalement logique de passer par la magie pour libérer l'émotion ? les étapes qui sont comparées dans l'article aux niveau d'un jeu vidéo ne sont-elles pas le propre d'un récit initiatique ? Est ce que la fantasy n'est pas "un refus du réel" mais bel et bien la métaphore idéale du réel alliant le divertissement à la réflexion morale (le propre de la fable)? C'est ce qu'Onward (re)démontre brillamment.


Contrairement à d'autres Pixar inventifs visuellement (Wall-e, Vice versa) en avant ne brille pas par ses qualités graphiques. Mais c'est que dès son introduction, le film joue justement sur l'absence d'émerveillement d'un monde qui devrait être magique (sorts, animaux fantastiques...) mais ne l'est plus et ressemble à notre vie de tout les jours (voiture, smartphone, ville...). On peut donc se dire que les défauts visuels, dont un choix de couleurs particulièrement raté, sont excusables puisque l'objectif même est de camoufler cet effet Wahou que plusieurs Pixar nous avait procuré des les premiers plans. Mais si la magie ne fonctionne pas et n'est plus directement à l'image, où faut-il la chercher ?


C'est en fait le récit et l'émotion qui s'en dégage qui sont au cœur du film. Le scénario bouleversant replace Pixar au panthéon des raconteurs d'histoires. Il ne faut pas chercher cette réussite dans la quête que traverse notre héros, simplement balisée par une série d'épreuves pratiques connues et reconnues (le pont d'Indiana Jones 3, le dragon du Hobbit...) mais plutôt dans l'interaction des personnages face aux problèmes, à la fois techniques, magiques mais surtout relationnels, auxquels ils sont confrontés. Onward avance alors en terrain connu puisqu'il aborde des thèmes chers au studio : la question du père (Nemo, Les indestructibles, Toy story) et le passage à l'âge adulte (Toy story 3, Vice versa).


L'idée vraiment extraordinaire d'Onward, c'est le père, qui suite à un sort qui tourne mal n'est là littéralement qu'à moitié, réduit à une paire de jambes titubantes en pantalon. Ce personnage à la fois si présent (il marche n'importe où, se cogne etc...) mais pourtant si absent (il n'entend pas, ne parle pas) rejoue le concept du fantôme dans une forme absolument novatrice.
Cette idée est déjà géniale d'un point de vue scénaristique puisque la dramaturgie joue sur le fait qu'on sait que ce personnage va finalement prendre vie totalement à la fin du film. Et toute l'émotion du film se construit autour de la cristallisation de ce moment. Le climax surpasse d'ailleurs les attentes avec brio par une idée de mise en scène incroyable qui justifie à elle seule l'existence du film. Ce demi personnage est de plus un génial gimmick de mise en scène qui démontre encore une fois la performance des studios pour l'animation de personnages au format original (Wall-e, Cars...) et permet d'ajouter la touche d'humour qu'il faut sans avoir besoin de l'habituel comic relief souvent consigné à ce simple rôle.


L'émotion qui traverse le film, bien qu'elle passe par l'absence du père, s'agrège aussi tout autour de la famille (le frère, la mère) et la clef du bonheur semble être les retrouvailles d'une famille dont les membres commençaient à se perdre de vue. En ça Onward retrouve aussi les thèmes principaux qui faisaient la réussite des Indestructibles 2 comme la monoparentalité et les relations fraternelles.


Finalement, alors qu'il ne payait pas de mine Onward est donc un joli melting pot de tout ce que Pixar sait faire de mieux en terme de narration et d'émotion. Pas de quoi bouder son plaisir donc, même si trotte quand même cette question dans la tête jusqu'au bout : "Mais qui a choisi ces foutues couleurs pour les personnages ?!"

yhi
7
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le 14 mars 2020

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yhi

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