J'évoquais ce terme avec la sortie de Rampage (https://www.senscritique.com/film/Rampage_Hors_de_controle/critique/167502729), qui proposait déjà ce que The Asylum a l'habitude de faire, à ceci près qu'on nous propose là, des CGI de bonnes factures et des stars internationales. Avec En eaux troubles, la recette est renouvelée. L'animal géant est un requin du Pliocène et la star au gros bras se voit interpréter par un Jason Statham toujours en pleine forme. Petite précision, la taille du requin restera proche des approximations provenant du registre fossile, ce qui est tout à fait louable. Mais oui, le film aura tout de même son lot d'incohérences scientifiques et de débilités scénaristiques comme le veut la tradition. Or, ce qui nous intéresse nous c'est de savoir comme évolue notre âge cinématique du nanar de luxe.
Eh bien The Meg est plus fonctionnel que son relatif simien albinos pour commencer. L'histoire se découpe grossièrement en deux. La première s'attarde sur le mystère des fonds abyssaux, la deuxième offrant davantage de couleurs et de lumières, y présente des scènes en station balnéaire et au bord de navires scientifiques. Autrement dit, voici que voilà un The Abyss suivi par Jaws version nanar deluxe, pour vous servir très chers amateurs de requins. C'est plutôt convainquant ! Ce spécialement grâce à cette direction artistique qui caresse agréablement notre rétine. Pas étonnant vous me direz, considérant la participation de Tom Stern. Ce dernier, directeur de la photographie, a collaboré à plusieurs reprises avec Clint Eastwood (Mystic River, Million Dollar Baby, American Sniper).
Ce bon nanar est créateur de prétextes. On ne peut lui en vouloir. Chaque cadrage, chaque plan dans l'esthétiquement correct est voué à exhiber la créature géante dans tous ses angles. Ce n'est pas uniquement ce que je veux. J'approuve et j'applaudis d'une meilleure manière lorsque qu'un réalisateur décide d'installer davantage d'angoisse et moins de créatures CGIsées, ce spécialement dans un contexte où le cinéma joue de la surenchère et du sur-spectaculaire. L"'appel au spectacle et au climax", chargé de pyrotechnies et de CGI, est considéré comme un indispensable à la recette hollywoodienne. J'apprécie donc lorsqu'un réalisateur de blockbusters relève ses manches et se démarque. Ici, ce surpassement se réalise que dans une demi-mesure. Mon mécontentement se fait devant cette envie inébranlable de faire figurer calmar géant sans aucune subtilité de mise en scène et des dizaines de requins de plusieurs espèces provenant de nul part. Cependant, la mise en scène truffée de travellings circulaires, avant et arrière de Jon Turteltaub, celle-ci permettant d'installer des moments d'angoisse, elle, est plaisante. Le réalisateur fait, une fois de plus bonne figure.
Bref. Je continue donc de me focaliser sur cette mise en scène agitée, comme les mouvements de détresse d'une victime dans l'eau frôlant la noyade, ainsi que ce montage entrecoupé de plans fixes distribués et finement cadrés sur chaque personnage. La pression monte aussi rapidement qu'un sous-marin fonçant dans les profondeurs abyssales, avant de finalement montrer son point de chute comme les bons nanars savent le faire: et hop, le coup du requin deux fois plus grand qui succède au petit spécimen vaincu par les protagonistes. Ah ça fonctionne toujours aussi bien ça ! La panique est donc présente, l'ambiance fonctionne, j'achète.
Les dialoguistes quant à eux ont dû, durant la production probablement tomber à l'eau. Ou c'est peut-être la jeune actrice de 8 ans qui a certainement écrit les dialogues. Oh je me moque forcément, parce que oui ils sont infâmes. Les dialogues défavorisent cette brochette de bons acteurs qui font leur part du job, et décrédibilisent la Science, ou du moins la représentation qu'il en est faite au cinéma.
Dénommer le monstre géant The Meg ? Est-ce une tentative pour iconiser la créature comme l'a fait Spielberg avec les raptors de Jurassic Park ? Peut-être bien, sauf qu'ici ça tombe euh... Comme une proie dans la gueule d'un squale préhistorique et ça ne fait rien d'autre que friser le ridicule. [Ah j'essaie d'être cohérent avec l'univers avec mes métaphores, vous êtes marrants]. Ceci dit, ce n'est pas si facile pour un sous-genre qui se repositionne financièrement en tentant de contre-balancer le ridicule et l'absurde avec la crédibilité et le sérieux. L'équilibre entre ces composantes est encore à étudier dans cette catégorie de films qui, je pense, va très rapidement trouver son public.
J'en attends davantage avec ces productions, car le bon gros monstre géant n'est pas prêt de se démoder. Parole de capitaine !