Le libéralisme prend cher dans En guerre. Très cher. Capitalisme, compétition et mondialisation, c'est le monde dans lequel nous vivons. Que nous l'aimions ou pas. Le travail est-il un droit ? C'est l'une des questions qui se pose à la vision du nouveau film de Stéphane Brizé qui, après la parenthèse de Une vie, revient à une thématique sociale dans la veine de La loi du marché. En plus extrême, encore, si cela est possible. Dans un cinéma français globalement peu engagé, on ne va certainement pas critiquer un réalisateur qui a le mérite de mouiller la chemise sans avoir peur de signer un film militant. Un groupe de salariés lutte pour éviter la fermeture de son usine. Un front uni, dans un premier temps. Si Brizé use et abuse des reportages télévisés qui ont cependant le mérite de donner des explications factuelles précises, le plus admirable dans son récit convulsif est la façon dont il parvient à saisir l'essence d'un groupe (il n'y a rien de plus de plus difficile à filmer que des conversations collectives) avec une caméra qui se faufile, tremble et scrute les visages. Quelle intensité dans ces échanges avec les divergences qui apparaissent, les fissures qui se font jour ! Autre prouesse, réussir à faire émerger une figure particulière dans ce qui ne pourrait être qu'un magma de personnalités. Il fallait bien un Vincent Lindon encore plus investi que d'habitude, habité par la colère de son personnage à un point inimaginable, pour obtenir ce résultat. Il y a peu d'éléments personnels qui sont dévoilés sur cet homme mais suffisamment pour que la scène finale nous terrifie d'horreur. Au-delà du combat social proprement dit, le film pourrait offrir d'autres lectures possibles à la manière d'un Ken Loach, par exemple, mais en ne choisissant pas cette voie, Brizé garde à son film une radicalité qui est aussi une démonstration de dignité humaine, laquelle aujourd'hui ne pèse plus très lourd dans un contexte de concurrence économique exacerbée.

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le 18 mai 2018

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