Documentaire scénarisé

Acclamé par la critique parce qu’il donne à voir le réel, En Guerre peut-il encore être considéré comme un film ? Pendant deux heures sont alternées des séquences « JT » où l’on suit la fermeture d’une usine agenaise à travers des flashs infos plus vrais que nature et des séquences de dialogue social, de grève, filmées comme un documentaire. Le principal défaut du film, c’est sans doute justement qu’il cherche trop à singer la réalité sans rien lui apporter : quand on habité dans la région présentée, qu’on a connu les effets du chômage sur les familles, qu’on connait (pour le pratiquer) le droit du travail, rien ne surprend.

En Guerre est loin d’être dénué d’intérêt. Vincent Lindon, d’abord, semble habité par le rôle et arrive à paraître vrai au milieu d’autres personnages qui ne sont pas joués par des acteurs. Les relations sociales, entre employeur et salariés, entre les salariés et l’Etat mais aussi entre les représentants de salariés eux-mêmes, sont décrites avec justesse. On ressort du film avec une bonne vision de ce que représente une fermeture d’usine et le travail de Stéphane Brizé doit être salué pour cela.

MAIS, il n’empêche que je ne peux m’empêcher de penser qu’à vouloir autant rendre compte de la réalité avec autant de précision et au regard des choix de mise en scène du réalisateur, le format documentaire en immersion dans une fermeture d’usine (ça ne manque pas) aurait été nettement plus adapté. Le problème ici, c’est qu’on a affaire à un documentaire scénarisé, écrit pour aller exactement dans le sens souhaité par Stéphane Brizé. Malgré cela, le résultat restait relativement satisfaisant jusqu’aux cinq dernières minutes. On arrivait à une conclusion assez nuancée sur le rôle et les responsabilités de chacun, jusqu’à un épilogue absolument ridicule qui modifie profondément le propos du film et l’équilibre précaire qu’il avait réussi à installer pendant près de deux heures. Glorification d’un personnage, altération de la morale, basculement subtil dans la fiction ou dans le sensationnel qui n’avait selon moi pas sa place ici.