La comédie française alimente pas mal de rejets depuis plusieurs années et les arguments pour la dézinguer sont multiples. Souvent les mêmes acteurs. D'aucuns diraient trop payés. Des budgets trop gros pour ce que l'on voit à l'écran. L'humour pose également problème, certains allant zigouiller une pensée beauf, d'autres des allusions racistes, voire dans le cas contraire des films bien bobo-gauchistes. Autant de qualificatifs disgracieux qui ne manquent parfois pas de sens, mais qui ne qualifient pas tout ce qui se produit et heureusement. Justement, on remarque ces dernières années que les meilleures comédies françaises ne sont pas forcément les cartons au box-office et En liberté ! en est bien la preuve.
Bien accueilli à sa sortie, le film de Pierre Salvadori avait attiré 775 491 spectateurs en salles et bien plus lors de son premier passage télévisé en clair (2,8 millions de téléspectateurs). Comme pour contredire ce qui a été dit plus haut, En liberté ! n'a pas un énorme budget (8 millions d'euros, soit 8 de moins que la suite de Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?) et bien qu'il possède des têtes connues à son casting (Pio Marmaï, Adèle Haenel, Audrey Tautou, Vincent Elbaz ou même Damien Bonnard vu depuis dans Les misérables), on ne parle pas de stars faisant exploser les cachets.
Le film joue sur une sorte d'entre-deux. Il y a d'abord une certaine fatalité liée au personnage de Pio Marmaï, homme condamné à tord et se persuadant désormais qu'il est un criminel capable de tout et surtout qu'il n'est que ça. Quant à celui d'Adèle Haenel, il subit une image fausse : son mari policier qu'elle érigeait en héros était en fait un ripoux (Elbaz) et elle voit la réinsertion de Marmaï comme un moyen d'éponger les péchés de son mari.
Sauf que ce qui pourrait très bien donner lieu à un film policier sombre sur la rédemption (ce qui aurait pu être également intéressant) devient ici une absurdité de tous les instants. Les braquages de Marmaï sont inévitablement ratés à cause de ses costumes l'empêchant de se faire comprendre. Ses excès de violence donnent des scènes hallucinantes, à l'image d'une baston où l'acteur se la joue Chuck Norris (il ne faut pas baver sur les rouleaux de Pio Marmaï) ou d'un restaurant qui sent le roussi.
Mais les scènes les plus drôles restent celles avec ce personnage incarné par Jean-Louis Barcelona (le fameux sosie raté de Michel Polnareff dans les publicités Cetelem). Un homme qui a tué plusieurs personnes, évoquant ses sévices, les ramène même au commissariat et fait face à un Damien Bonnard obnubilé par Haenel, au point de ne pas comprendre ce qui se passe. Des scènes hallucinantes où on ne sait plus si on doit rire, pleurer ou être horrifié. Barcelona ou le John Doe que personne ne voulait voir.
Les récits d'Haenel pour évoquer son mari à son fils varient également selon les humeurs de la mère. Du héros triomphant, Elbaz devient une véritable crapule n'ayant plus rien de beau. Des histoires racontées qui ne sont pas sans rappeler le côté over the top de certains films d'action (notamment américains), le premier venant en tête étant Last Action Hero (John McTiernan, 1993). Là aussi un héros de fiction idéalisé à outrance et qui devient faillible une fois dans le monde réel (à la différence que Jack Slater n'est pas un flic pourri).
En liberté ! est donc une drôle de comédie policière, avec une quête de rédemption aussi bien amenée que totalement improbable. Le tout avec des acteurs jouant leurs rôles avec sérieux, rendant les situations encore plus absurdes. Il n'y a qu'à voir Adèle Haenel subjuguée par le chaos qu'elle a engendré pour s'en rendre compte.