avr 2011:

Vavavoum! "Kiss me deadly" est l'exemple type du petit film de genre qui ne se voit pas aussi grand qu'il est en réalité, un film de série B qui s'empare d'un genre, le film noir, pour en ériger un spectaculaire et solide autel avec tous les ingrédients, tous les éléments mythiques, dans le fond comme la forme. Dépassé par ses ambitions de départ, le film est plus svelte, plus élancé et souple, il détaille un éventail de qualités insoupçonnées.

Bref, ce film est un délice, mêlant le goût amer d'une paranoïa fondée sur les agissements mystérieux d'un groupe d'individus qui complotent et qui torturent et la texture plus sucrée, mais tout aussi poivrée d'une sensualité torride, violente aussi, que le détective Mike Hammer subit avec une mâle assurance. Sur la fin, le film ajoute une pincée de science-fiction voire de fantastique avec la fameuse boite de Pandore qui fout les jetons au monde entier à cette époque de guerre froide où l'arme nucléaire fait planer de bien vilains vautours dans les consciences.

Film d'atmosphère.
Aldrich met en scène un Mike Hammer sec, comme son whisky, mais la masse musculaire et le visage carré de Ralph Meeker donnent au détective un physique de chien, de pitbull pas fâcher d'avoir à tenir une affaire aussi charnue dans sa mâchoire. Sec et costaud donc, façon marteau-pilon, d'humeur égale, la plupart du temps le regard un brin désabusé, le personnage n'est pas spécialement sympathique. Le film ne nous sert pas le héros hollywoodien, gentil et brave. Bref, Robert Aldrich ne serait-il pas en train de nous présenter un superbe anti-héros typique? Il n'y a qu'à voir l'étrange sourire pervers qui barre son visage rayonnant lorsqu'il brise les doigts d'un énergumène bigleux, laid nabot qui laisse trop trainer sa vénalité dans le tiroir de son bureau.

La plupart des personnages sont tout aussi déviants. A part Velda (Maxine Cooper), la secrétaire de Hammer, dévouée à son patron, amoureuse jusqu'à se faire sauter pour des informations juteuses, tous font preuve de cynisme, de malhonnêteté. Tellement archétypaux qu'ils en deviennent presque conceptuels. Tous pourris!
Même le flic (Wesley Addy) a priori bienveillant se révèle une belle crapule détestant la liberté d'action et d'esprit de Hammer...
Tous, plus ou moins chantres d'un système ultra-individualiste, se bouffent entre eux. Le monde de "Kiss me deadly" est plus sauvage que celui de la jungle. Les hommes sont des animaux carnassiers à la recherche d'une nourriture bien terrestre : le billet vert. Et rien ne permet de les sauver. A peine la peine esquisse-t-elle un dernier mouvement vers la conformité, vers les convenances en permettant à Hammer de sauver Velda.

Mais à ce moment-là du film, l'attention du spectateur se porte bien davantage sur cette chose étrange qui dévore la maison sur la plage. Brutalement, le film s'arrête sur cette image eschatologique.

Tout le film n'a été qu'un mouvement perpétuel, à toute berzingue, un récit rapide, proposant un assortiment de brutalités diverses concoctées par des personnages rarement délicats. Mantes religieuses et scorpions s'asticotent l'abdomen à coups de mandibules affamées et de dards nerveux qui font pan-pan.

La moralité de l'époque interdisaient encore de montrer frontalement sexualité et violence : Robert Aldrich combine ellipses, contre-champ et dialogues pleins de sous-entendus pour parvenir ainsi à intégrer la violence et le cul sans pour autant les expliciter. Bien fait, ce petit film m'a tout l'air d'un classique finalement.

Si un jour, vous avez l'occasion de le voir au cinéma, ne la manquez pas. J'ai eu jadis ce privilège, à l'Utopia de Bordeaux, j'en ai encore les yeux en effervescence.
Alligator
8
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le 18 avr. 2013

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Alligator

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