"The first time, it’s a tragedy. The second time, it’s a farce."

Un film chiant reste un film chiant. Je vous donne ma vision du scénario à la fin.

Denis Villeneuve remet en scène Jake Gyllenhaal dans un thriller psychologique de 90 min. Quoiqu'en fait, il le met en scène pour la première fois, puisque "Enemy" a été tourné avant "Prisoners" mais sort après. Je n'en connais pas la raison, mais j'imagine que ça a un rapport avec le millier de traitements d'image que son DA a infligés à son bébé. J'y reviendrai.

Nous voici dans la peau - et dans la tête puisque c'est "psychologique" - d'un jeune prof de fac campé par notre bon Jack, pas particulièrement heureux ni dans son métier, ni dans la vie sentimentale qu'il entretient avec Mélanie Laurent. Un jour qu'il lit en salle des profs, il prend une importante décision, suite à une discussion avec un collègue lambda : louer un film. Une petite production locale. Pour égayer sa soirée (puisque Mélanie ne suffit pas - *sic*). C'est alors qu'il s'aperçoit, à la suite d'un rêve, qu'il apparait dans le film, à travers un petit rôle.

Puisque ce n'est manifestement pas lui, il part à la recherche de son sosie.

Côté scénario, un visionnage ne suffira pas. A moins que vous soyez particulièrement clairvoyant ou chanceux (pour ma part, j'ai campé une lecture au bout de 20 minutes, dont je n'ai douté qu'à la toute fin... et quelle fin...). L'histoire est difficile à appréhender, puisqu'elle n'est probablement pas inscrite dans une même unité de temps. Le topo est annoncé à la première image du film : « Le chaos est un ordre qui n’aurait pas encore été déchiffré ».

Que ceux qui souhaitent une histoire cousue de fil blanc passent leur chemin :-)

Partant, il y a différentes manières de traiter un tel schéma.
Par exemple, on fait défiler une histoire prenante en glissant des petits indices cachés, et on achève sur un final bluffant. Là, je souris et m'énerve d'avoir été pris pour un con, et je cours le revoir une nouvelle fois afin de rechercher ces foutus indices. Ex récents : Nolan (Inception notamment), Fincher (Fight Club) ou encore Scorcese (Shutter Island).
Ou encore, on met immédiatement le spectateur devant un paradoxe, qui se concentre derechef pour ne pas passer à côté de la clef du film, ce qui signifierait 2e visionnage obligatoire (ex : le cinéma d'Alejandro González Iñárritu).
Quoiqu'il en soit, on les regarde au moins 2 fois pour vraiment apprécier, ce qui force le respect.

D'habitude particulièrement friand de ce genre de met, je ne suis pourtant pas convaincu par "Enemy". Non que le scénario ne vale pas une cacahuète, mais le film pêche cruellement par sa forme!

S'agissant de la multitude de filtres appliqués à l'image, c'est honnête. On a l'impression d'être dans un rêve éveillé (ce qui participe à la bonne compréhension, voir ma lecture du film plus bas).
Mais le tout est - trop - informatisé, un peu facile. Même le brouillard de pollution sur la ville fait faux. Nolan, avec Insomnia, nous a pourtant montré il y a quelques années comment le faire avec talent. Il en ressortait une photo magnifique et troublante, au lieu d'un sentiment de pellicule jaunie à la nicotine. Pas terrible.
Le rythme est hallucinant de lenteur. Toutes les scènes sont tirées à l'extrême. Pour appuyer sur le côté somnolent, hypnotique ? Peut être... ou pour remplir 90 min avec du vent. Aussi. Même si ma "lecture" me laisse penser que c'est bel et bien souhaité, ce style n'emporte pas mon adhésion. Infliger un ennui pareil, une sous exploitation des acteurs, l'absence d'une quelconque tension ou d'un quelconque enjeu, sous prétexte que ça sert un scénario, très peu pour moi. D'autres exécutent mieux l'exercice.
Quant à la BO, mon dieu cette BO. Je mets un bémol sur ce qui est dit jusque au dessus : la tension est censée venir de là. Comprenez : un sample pseudo-angoissant qui tourne en boucle. Digne d'un mauvais film d'horreur, sans les sursauts. Ca faisait longtemps que je n'avais pas infligé ça à mes oreilles, depuis les violons de Joe Black... Quelle horreur.

Bref, j'admets tout à fait qu'on puisse aimer ce genre de cinéma. Mais c'est pas ma came, perso. Les développements sur le scénario sont développés dessous, pour éviter le spoil.




Voici ma vision, pour ce que ça vaut (SPOIL)

Voilà comment j'ai vécu le film. Je n'avais pas vu de BA, ni entendu parler du film plus que ça.

En très raccourci :

Le club serait une sorte de thérapie de groupe contre l'infidélité. L'ambiance, la musique etc. préparent la personne. L'araignée fout la trouille, elle représente la peur de chacun (de s'engager pour notre ami). Alors qu'une des femmes se prépare à l'écraser...

Changement de plan et d'ambiance. Mais ce filtre jaunâtre reste présent. Son cours fait echo, c'est incohérent. Il se trouve en réalité en état d'hypnôse, toujours dans ce club.

Adam/Anthony est alors en proie à ses doutes et ses problèmes. Ses deux existences (le mari et l'infidèle) prennent des formes distinctes. Son cheminement contradictoire, mêlé de réel et de fantasmes, décousu tant au niveau spatial que temporel, le pousse in fine à commettre une infidélité avec sa propre femme.

Dès lors, ses deux entités se confondent. Lorsqu'il trouve la clef, il sort peu à peu de l'hypnôse et lorsqu'il voit l'araignée, il se souvient. Il comprend qu'il a vaincu ses démons. L'horrible araignée (cette scène m'horripile) représentant sa propre peur, recule face à lui, qui sourit. Les rôles sont inversés, il domine désormais, et sort de l'hypnôse (ce qui doit correspondre à l'araignée écrasée, mais le film s'arrête là).

L'ambiance où on ne distingue finalement ni le jour, ni la nuit ; l'inertie d'Adam/Anthony dans tout le film etc. m'ont conforté dans cette lecture. Les incohérences (trace de l'alliance, accident mortel...) me prouvent que rien n'est réel, car impossible.

Voilà. Reste pour en être sûr, il faudrait le revoir. Non merci.
SoiM
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Écrit par

Créée

le 31 août 2014

Modifiée

le 31 août 2014

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