Le double, la crise identitaire ou le clone triste

Je ... Ne ... Sais ... Pas ... Vraiment ... Ce ... Que ... Je ... Vais ... Écrire.

Déjà, une critique à titrer tiraillée par des choix divers : " Clone triste ? " , " L'autre comme moi " ? , " Perception troublée du réel sur toile. Pffffffffff....
Et c'est là un effet direct de l'après film. Oui, j'ai l'esprit troublé !

(Concentration) Ambiance prégnante, réflexion capillotractée, twist final venimeux et mordant ( ...) , impressions fugaces et contradictoires. Trouble passager. Impressions de déjà vu mais en même temps de nouveauté. Désordre mental. Les secondes lentes comme des minutes, passent. Les minutes comme des heures, se consument lentement..
Une fois le tout décanté, la vision est plus claire et la note s'avère finalement très bonne. Forcément , l'expérience ciné fut forte , perturbante , et sinon inoubliable, difficilement oubliable tout du moins. Reconnaitre déjà que cet ensemble projeté sur écran est réellement bien ficelé et ne peut être que l’œuvre d'un esprit talentueux, doué, fin. Denis Villeneuve. Son " Incendies " et son " Prisoners " sont déjà loin d'être insipides...
Voyons. Enemy, enemy. L'ennemi est l'autre ? L'autre en soi ? Soi ? A suivre, mais le titre invitait déjà à lui seul au questionnement. Et dès le départ, déjà plusieurs lectures opèrent pour autant de réactions fugaces.
L'une d'elle fut : par ce film, Mr Villeneuve nous instillerait-il du mystère afin de provoquer un traumatisme fascinant et/ou inconfortable post-Lynchéen faisant parler et interroger le public ad vitam eternam ( une impression fugace, justement ! ) sur la juste interprétation, l'explication de tels ou tels points, le scénario qui explique tout, etc. ?
Tout est mis en place pour provoquer chez le spectateur réceptif une forme de malaise de plus en plus pesant, une crise identitaire, comme cet Adam et cet Anthony qui en expérimentant et prenant conscience pleinement de l'autre moi, se morcellent. Ils ne sont donc plus cet individu unique jusqu'à la cicatrice sur le flanc gauche ou la date de naissance. Impossible coïncidence. Ce qui pose forcément un énorme problème existentiel. Pour eux comme pour leur entourage, les femmes partageant leur vie.

Bon, ça, c'était une lecture. La deuxième va tout SPOILER, donc vous êtes prévenus.

La voici ( Retiens son souffle. Relâche. Souuuuuffffflllle. ET comme un ballon de baudruche fuitant dans la pièce et perdant toute sa substance ) :
2 énormes indices, avant même de voir le film, finalement :
1. L'affiche anglo-saxonne ( un homme avec une araignée au plafond )
2. Ce qu'a dit le réal à propos du film :
“Sometimes you have compulsions that you can’t control coming from the subconscious … they are the dictator inside ourselves.”
Bref, je traduis pas, connaissez l'anglais et copain google aussi, mais tout est dit ou suffisamment.
... L'ennemi intérieur.
Pas 2 individus mais un seul. Le double ( Hitchcock s'y était déjà fort intéressé, le sujet fascine)
Nous avons ainsi là un individu perdu dans les méandres de sa psyché, elle-même triturée, dissociée, tranchée en deux, morcelée par une société arachnoïde qui de toute manière nous tient tous par les c...
'Fin bref, par ses fils de soie...J'entends, de la toile d'araignée. Englués que nous sommes. Ah ben voilà, l'araignée est donc une métaphore ! Fichtre, j'ai crû un instant qu'à la fin, on avait été envahis par les big bébêtes à 8 pattes de la planète Avid' pour une énième suite bouseuse de " Starship Troopers ".
Mais après quelques réfléchissements : non, pas ce réal, et pas après " Prisoners " ou " Incendies " .
Ici, on torture l'esprit avec ses propres carcans psychologiques, pas la peine d'attendre que les aliens débarquent. Anthony et Adam, ce sont deux modèles sociaux, deux choix de personnalités opposées, moi et surmoi ou petit diablotin et petit ange sur nos épaules, ou bien tout simplement nous-même avec nos contradictions, nos tentations, désirs, refoulés, exprimés, inavoués, adultérins ou fidèles, conflits internes. Ce que l'on ose regarder, ce que l'on tait, ce que l'on ment. A l'autre et à soi-même. Pas simple d'illustrer tous ces aspects d'une même personnalité, et après tout, Mr Villeneuve a ici planté un décor à propos et figuré des personnages inspirés d'un livre, ma foi, plutôt intelligemment.

Hummm... Et si on revenait un peu à nos moutons... ( brise bucolique) ... Enfin, à nos insectes.
Métaphorique, comme l'expression de l'araignée au plafond. Mais finalement, n 'est-ce pas trop simple ?
Le type est chtarb, deux personnalités opposées, méandres à la " Mulholland Drive ", sous amphé et champignons pas de Paris, point barre et fin de l'histoire ? ...
SAUF QUE. Peu importe l'issue. Tout est dans la manière de l'amener. Tout est là, ce que le tout illustre. Et si c'était non pas de la folie mais du subconscient reflet du commun des mortels ?
Oui, ce film parle de toi, et pas que de l'autre à l'écran.
Mince, ça jette un froid tout d'un coup. C'est de suite pas pareil et on se sent forcément ... Visé. (...)
Difficile de faire comme si on le connaissait pas, ce soi. Genre " Ah , mais non, je n'ai rien à voir avec cette personne ! Connais pas ... "
Déni, déni et perception altérée de la réalité. Fichtre ! Mais c'est peut-être bien ça que raconte le film. Tadaaaa ! L'ennemi, c'est ... C'est ...
Ben c'est celui qui te regarde dans le miroir, c 'est toi et toute ta complexité, ta conscience et tes refus de conscience, tes attitudes, modèles sociaux que tu empruntes, et que le monde, la société, t'ont (gentiment, poliment) inoculé, enfouragé, seringué, bref t'as compris, t'y peux rien, c'est comme ça. Le Diktat du monde et nos structures psychiques complexes en guerres intestines se déchirent. Et là, t'as ce splendide Chicago vert brumeux. Ta douce atmosphère mentale.
Après tout, un film n'est pas sa conclusion mais tout un ensemble qui nous amène ensuite à diverses suggestions, et surtout une expérience plus ou moins féconde d'expériences ultérieures. Comme une petite famille d'expériences multiples qui ne cessent de s'agrandir en de multiples battements d'ailes de papillons.

Entre autres pensées fugaces, l'une s'était vêtue de l'ombre Kubrickienne : " Eyes Wide Shut " ... ,
Également " Another Earth " de Mike Cahill et le thème du double, du trouble identitaire... Comment ne point penser aussi à Cronenberg ou Fincher pour d'autres aspects...
Bon, les références perso, peu importe finalement. Chacun a les siennes, ce n'est sans doute pas là le plus important. Aucune ne fait loi dans la subjectivité, notre invitée ici. Vous avez tous raison.
Quelque-part, et c'est une vision personnelle je vous l'accorde, nous sommes tous des dichotomies Anthony/Adam. À nos manières. S'ils se fendent dans le choix adultérin, ils restent proie de l'arachnide, à concevoir possiblement comme la folie induite par ce monde, nos structures psychiques et nos fondements tombés en décrépitude.

Bousculés dans nos phantasmes : si pour l'un, l'alliance au doigt figure la cellule du couple dont il est prisonnier et son amante le fruit défendu, la clef la tentation pour vivre cette autre existence, pour l'autre, ou pour vous, ce sera autre chose.
Et peu importe quoi à ce niveau de lecture puisque chacun a ses propres démons à combattre ou apprivoiser.
Mais il y aura tout de même une araignée, une clef, et des " possibles " vous triturant l'esprit.
A moins que vous ayez pu débarquer après moult navigation tumultueuse et forcément héroïque sur cet îlot de tendresse où respirer un peu, là-bas, au loin. Voyez le petit point noir, un peu à droite sur la ligne d'horizon. Ce lieu du calme intérieur, un peu plus harmonieux, où se triturent moins les méninges, les choix de vie, les traits de caractère, les refoulements, les désirs, les autres, les amours et les haines. Là-bas ...

Bref, ici, et pas là-bas, il s'agit d'échapper à la dictature du Soi, du Surmoi, du Toi, du SurToi , du Nôtre et du SurNôtre ou du Ça ( c'est pas tout ça ) , le tout synthétique, induit et créé par cette dictature d'un monde sociétal sans pitié barbelé de ses jugements hâtifs et cruels, catégorisations ghettoïsantes à foison, obligations pénibles, codes moraux, interdits, licences, etc. Cultiver une paix de l'âme, salvatrice.
Sauf que de toute évidence, Adam, même après avoir sulfaté, éliminé, congédié, supprimé l'Anthony en lui et sa vie adultérine imaginée ou réalisée ( peu importe finalement) a encore bien du chemin à faire.
Car d'une telle emprise inconsciente ou d'une société aliénante on ne se libère pas comme ça.

Pardon pour tous ces mots. Faut que j'aille m'occuper un peu de ma propre araignée au plafond qui ne cesse de me narguer depuis tout à l'heure...
Fullstorm
8
Écrit par

Créée

le 2 oct. 2014

Critique lue 397 fois

2 j'aime

Fullstorm

Écrit par

Critique lue 397 fois

2

D'autres avis sur Enemy

Enemy
JimBo_Lebowski
8

Décryptage du chaos

Après le très surprenant "Prisoners" Denis Villeneuve s'est fait une place chez les réalisateurs à suivre de près, "Enemy" devait être la confirmation, un nouveau thriller certes mais avec une...

le 15 juil. 2014

362 j'aime

27

Enemy
Aerik
5

Je ne pense pas, donc je m'ennuie

Adam (encore le génial Jake Gyllenhaal) est un professeur d'Histoire sans histoire, menant une vie bien ancrée dans une routine entre correction de copies et sexy time sans passion avec sa fiancée...

le 28 août 2014

129 j'aime

5

Enemy
Vivienn
6

Il était deux fois

Denis Villeneuve n'est pas un cinéaste comme les autres : lorsqu'il réalise un polar labyrinthique, il privilégie le fond à la forme, et lorsqu'il sort un thriller allégorique, il fait l'inverse. Sur...

le 30 août 2014

118 j'aime

3

Du même critique

Mommy
Fullstorm
9

Ces gens qui nous touchent, ces instants qui nous échappent.

Il y a ces gens que vous croisez tous les jours et qui vous paraissent presque flous. Il y a ceux qui vous croisent hier, aujourd'hui, demain, et qui ne vous voient pas, ne vous verront jamais ; ceux...

le 20 mars 2015

6 j'aime

3

Under the Skin
Fullstorm
8

Un film prédateur archi-doué, quand-même, et original. Malsain à souhait.

A tout ce qu'il faut pour marquer, troubler, envahir d'un sentiment étrange et malsain que jamais n'aurions-nous songé auparavant à l'existence même. Ce type de cinéma qui surprend et qui par son...

le 12 sept. 2014

6 j'aime

3