Enola Holmes
5.5
Enola Holmes

Film de Harry Bradbeer (2020)

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Oubliez le nom de "Holmes" pour profiter d'un petit film sympathique

"Enola Holmes" est un bon film distrayant et sympathique, mais qui ne restera probablement pas dans les annales. Les attentes étaient peut-être trop élevées pour un film de la saga "Holmes", alors que ce dernier aurait largement pu se passer de cette appellation et s'en sortir seul.


Fan de Sherlock Holmes, j'attendais en effet avec impatience ce film et même si globalement je n'ai pas été déçue, je reste partagée sur sa qualité. L'intelligence du personnage d'Enola certes nous ravit et nous emporte dans l'histoire comme sait si bien le faire son aîné, mais le rapprochement s'arrête là.


En effet, l'histoire du film est un peu brouillonne et nous fait perdre le fil. D'abord Elona veut retrouver sa mère, puis découvrir les raisons de sa fuite, puis échapper à Mycroft, puis aider Lord Tewksbury, puis dénouer le meurtre du père de ce dernier et puis là.... le film a déjà perdu de sa force et de sa cohésion, et par conséquent la moitié de ses spectateurs.
On a par ailleurs du mal à comprendre pourquoi la mère abandonne sa fille sans rien lui expliquer. Rien ne sera dit à ce sujet et cela semble tout de même un poil improbable. Qui plus est, ce pitch initial de la mère n'est même pas réellement résolu à la fin, ce qui laisse à supposer que Netflix espère faire un second film, laissant ainsi le spectateur sur sa faim ce qui n'est jamais agréable.


Une multitude d'intrigues donc mais en réalité, et c'est là où la déception est la plus grande, ces intrigues ne sont pas le sujet principal du film (a tel point, n'est ce pas, qu'on ne les résout pas). En effet, l'objectif est de présenter le voyage initiatique d'Enola, jeune prodige vivant enfermée dans un cocon avec sa mère, vers le monde réel. A comprendre donc : le voyage initiatique de l'enfance vers l'âge adulte. Ainsi, Enola va rencontrer différents personnages qui vont lui enseigner (ou tenter de lui enseigner) la cruauté du monde, la liberté, la confiance en soi (au secours) et l'amour (pitié). Mais avec un tel scénario, pourquoi donc brandir le nom de Holmes ? A ce niveau, n'importe quelle figure de jeune fille aurait fait l'affaire, mais probablement qu'au niveau marketing, le nom de Holmes est bien plus bankable que ce soit pour ce film ou pour le roman de Nancy Springer (tristesse).


Une fois qu'on aura compris que le nom de Holmes n'est qu'un faire-valoir et que le film est destiné aux plus jeunes, le reste est, au final, assez agréable. La mise en scène de Bradbeer ressemble à ce qu'il a déjà fait pour Fleabag avec des moments où l'actrice principale, Millie Bobby Brown, s'adresse directement à la caméra et au spectateur, ce que je trouve personnellement assez plaisant. Par ailleurs les acteurs sont véritablement très bons et la jeune Millie Bobby Brown fait une performance tout à fait exceptionnelle.


Bradbeer parvient également à disséminer ici et là des touches de poésie, des paysages un peu fantasques et des habitations rigolotes, faisant osciller son film entre réalisme et fantastique. Les notes d'humour et quelques passages sentimentaux achèvent de donner à son œuvre un côté sympathique, mais sans pour autant lui donner l'originalité et le caractère qui font les grands films.


Le seul côté vraiment positif et unique de ce film sont les revendications féministes et l'aspect "woke" de certains passages. Quand Sherlock Holmes se fait rappeler qu'il ne peut comprendre parce qu'il est un homme hétéro blanc cisgenre incapable de voir ses privilèges, je dois avouer que c'est rafraichissant. Enola par ailleurs est en elle-même une figure féministe qui se débrouille seule, mais sans que cela paraisse irréaliste (elle se fait quand même sacrément dérouiller quand elle se bat avec un malfrat), une prise de position qui correspond mieux aux vécus réels des spectatrices et répond mieux à leurs attentes en termes de représentation (à mon avis du moins).


Mais ces aspects positifs ne vont pas plus loin et c'est bien dommage, à la fois car les enquêtes sont délaissées au profit du voyage inititatique, mais aussi car l'intrigue avec la mère aurait dû porter la jeune héroïne du côté des luttes féministes de l'époque, notamment le droit de vote, et aurait permis de voir un passage historique trop souvent délaissé au cinéma. Le parti pris scénaristique reste ainsi trop sage, faisant du scénario comme du film une déception en demi teinte.


En résumé, "Enola Holmes" est un film qui aurait très bien pu se passer (et qui aurait dû se passer) du nom flamboyant des Holmes pour se concentrer sur les aventures d'une jeune femme intelligente à la recherche d'une mère politisée et féministe. Paradoxalement, peut-être que le film, en se concentrant sur les enquêtes propres aux films "sherlock holmes" aurait pu nous éviter les sempiternelles histoires d'amour et de découverte du monde qui collent aux adolescents. Malgré tout le film reste divertissant, les acteurs excellents et la réalisation originale.


A vous de voir.

Algernone
7
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le 13 oct. 2020

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Alger none

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