Oscar est jeune. Il vit à Tokyo, et s'est quelque peu adapté au rythme turbulent du Japon. Dans son appartement crade, se trouve également sa soeur, Linda, arrivée plus récemment. Une fois celle-ci partie, Oscar ouvre sa petite réserve de drogue et allume son cigare plastique contenant du MDMA, le regard porté sur le panneau scintillant en face de son balcon : "ENTER".

Le voilà en train de planer.

Enter The Void agite les synapses de notre cerveau pour les atomiser une à une, jusqu'à la léthargie. Là, le réalisateur dégaine sa caméra, dévisse la perspective à la première personne, la fait reculer au dos de l'acteur principal, puis l'accroche en mode plongée sur la seconde moitié du film. Sous une forte dose d'acide (pas besoin d'en prendre au préalable, le générique du début en insuffle déjà), les regards, décontenancés, cherchent ce qui semble être le scénario : un jeune dealer, avalant la dernière fumée de son joint, doit rencontrer son client dans le club The Void. Mais à peine arrivé, il se retrouve pris au piège par la police. Accourant aux toilettes du bar, il est abattu avant d'avoir pu se liquider sa marchandise. Par la suite, le héros reste lié au monde des vivants, mais ne peut plus communiquer. Il devient simple observateur des faits, de sa mort en passant par le vécu (son enfance), jusqu'à sa réincarnation.

Bâti sur quasiment trois heures, le film embarque nos sensations puis les étripe, les secoue, au point de vouloir vomir sur son siège. D'abord dans une ambiance tokyoite de nuit, aux couleurs criardes des néons, puis à travers des visualisations éblouissantes que même The Polynomial et Windows Media Player ne peuvent concurrencer, sans omettre les effets de caméra tournoyants, laissant une idée de voyage éthéré au milieu du monde de la chair et du sang. Que dire également du rythme assommant, qui peut achever tout spectateur ayant gardé une once de lucidité après un quart d'heure de visionnage ? Quid de l'incroyable performance générale des acteurs, apparentés à la troupe de comédiens de la Troma ?

Pourtant, Enter The Void recèle une atmosphère authentique. Une volonté de retourner les orbites, de pulvériser les boyaux, d'annihiler les tympans. Un cocktail Molotov, difficile à ingurgiter, qui détient néanmoins un goût délicieusement amer, laissant poursuivre une envie - masochiste - de toucher plus haut les cieux.

Et voilà qu'à l'instant où la conscience retrouve progressivement ses repères, que l'oeuvre de Gaspar Noé offre un dernier verre, celui qui signale au videur de la boîte qu'il nous est désormais impossible d'y entrer. Un dernier quart d'heure, au pays du Love Hotel, "où on peut voir une partouze géante sur plusieurs étages", le karma des couples en ébullition, leur sexe dégoulinant de désir et d'effroi.

Tout cela pour finir sur une note plutôt convenue : le retour au cercle de la vie, dans un blanc éclatant de pureté.

Si les acteurs sont peu loquaces, le réalisateur l'est sans doute un peu trop. En rajoutant un flashback pesant, superficiel et un final maladroit, le voyage vers la planète Jupiter ressemble parfois au bad trip. Reste en somme une expérience ahurissante, planante, assourdissante, à profiter uniquement sur grand écran, les caissons de basse réglés au maximum.
Slade
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le 24 févr. 2012

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Slade

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