Le blues de l'américain le plus badass

Portrait plus fin que son enrobage et ses accroches le laissent paraître ; documentaire d'1h28 présentant l'homme dont le parcours militaire et les exploits ont inspiré Rambo ('Hannibal' de L'agence tous risques et le colonel Kurtz seraient dans le même cas). Les concepteurs (et promoteurs/relais) ont une approche gauchiste critique qui heureusement n'affecte que peu le résultat, car Bo Gritz est de quasiment tous les plans, les faits. Le 'reportage' et les archives écrasent (en volume et par leur force, par le charisme de l'homme) les considérations idéologiques ou extérieures.


La dénonciation de la violence peut s'exprimer en citant simplement ; par exemple, en incrustant à charge la bande-annonce d'Apocalypse Now (ou en énumérant et passant en accéléré la centaine de morts de John Rambo – excellent film au demeurant). De cette façon nous pouvons apprécier l'objet sans trop subir le commentaire, qui est trop mince voire carrément impuissant face à ce que nous avons à l'écran. Le film est un peu moins vivant dans le dernier tiers avec la profusion de vidéos et de tribunes où Bo Gritz est apparu ; c'est aussi le moment où son scepticisme face aux valeurs guerrières, à l'ordre américain (et même aux gens) s'affiche ouvertement – sans hargne ni violence, sans 'omission' ni renoncement. Il regrette notamment les sacrifices inutiles, les jeunes enthousiastes ou 'demandeurs' qui s'envoient et sont envoyés à la mort, en ayant conscience d'entretenir ces élans.


C'est un héros – et un homme se regardant 'héros', avec le rapport d'un responsable, d'un comédien peut-être, pas celui d'un type ravi ou narcisse. Voilà ce que la réalisatrice excelle à montrer et valoriser indirectement ; c'est peut-être ce qui la préoccupait le plus pendant ces quelques années d'enregistrement, mais il aurait été plus difficile pour le film de paraître (dans les festivals, voire de paraître tout court) sous cet angle non-binaire et non-hystérique – car l'ancien candidat du Parti Populiste, proche des suprématistes blancs et des survivalistes, ne saurait être considéré qu'avec dégoût ou en faisant l'objet d'une investigation chargée de le blâmer. Le point de vue sur l'aliénation et la corruption par la violence, aux USA en particulier, y gagne beaucoup (alors qu'il perd avec les démonstrations soulignant notre fascination ou la médiatisation de cette violence militaire sublimée ou juste destinée à divertir).


https://zogarok.wordpress.com/2018/08/06/erase-and-forget/

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le 6 août 2018

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