La ressortie du premier long de David Lynch est l'occasion de mesurer l'importance de la recherche plastique dans le travail de ce cinéaste passionnant. Rien d'étonnant alors, d'y voir, comme rarement nous l'avons vu au cinéma, un tel enchevêtrement de matières. C'est que chaque plan abstrait nous renvoie tantôt à la terre brulée, au cratère infini, aux routes cabossées, aux pustules sur le corps ou autres déformations corporelles ; Une répugnance de tous les instants, ou rien ne semble lisse, simple et adouci. La composition filmique, dans EraserHead, devient vecteur de la matière. La caméra s'avance, s'arrête un instant, puis repart, met en avant des corps - qu'ils soient humains ou célestes. L'opportunité pour Lynch d'expérimenter des travaux purement plastiques avec un nouveau médium.


Et il faut bien avouer que l'on en revient pas, de ce voyage horrifico-fantastique. Pas une image qui ne nous hantera pas après le visionnage ; Il y aura bien une trace, un plan, une sensation, un son. C'est que ce film, si "difficile" à regarder, met le corps à rude épreuve. Répugnance de l'objet et donc rejet ; Sons et ambiances hostiles, et donc malaise ; Incompréhension aussi, face à certaines séquences. Beauté des clairs-obscurs, violence de la luminosité qui jaillit parfois de l'écran.
Imprégner des images chez le spectateurs, lui transmettre des sensations, n'est ce pas là aussi l'intérêt du cinéaste ?
Et même s'il doit faire pleuvoir des foetus sur la scène et y faire chanter des femmes déformées, il n'en reste pas moins le seul à pouvoir faire, dans un film d'une beauté cruelle, l'éloge de la matière.


A.A

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le 6 août 2017

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Annita Antourd

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