Avant j'aimais le piano. Mais ça, c'était avant.

Le temps est relatif. Le parrain 2 (3h22) ou Love Exposure (4h50) sont moins longs que ce film.


Laissez-moi évoquer les à-côté du film avant de m'y pencher. Passée la première demi-heure, ça m'a fait sourire. Une véritable petite étude psycho-sociologique grandeur nature dans les salles sombres : comment réagit un public hétéroclite, visiblement surpris, chahuté, interloqué par ce qu'il voit ? Et vous, comment feriez-vous face à un film proprement insupportable ?


Il y a les clairvoyants, ceux qui savent où tout cela mène, c'est-à-dire nulle part, ou ceux qui n'ont pas de temps à perdre : ils quittent la salle au bout de 20 minutes. Je vous avoue volontiers que sans mon pote juste à côté, j'aurais été de ceux-là.


Ensuite, il y a ceux qui commentent doucement pour ne pas gêner un public dont ils se demandent ce qu'il peut bien penser : "J'arrive pas à rentrer dedans" ; "c'est quoi ce film?"; "t'avais lu les critiques ?" ; "L'intro, elle se finit quand ?"


Et puis d'autres encore, qui regardent partout, qui attendent le prochain malin qui jettera l'éponge pour emboiter le pas, et pas passer pour un con. Ceux qui changent souvent de positions, soufflent, s'agitent, rient nerveusement...


Marrant à voir. Plus que cette daube.


"Il porte bien son nom ce putain de film" me dira mon pote en quittant la salle. J'aurais vraiment dû partir.


Je ne mâcherai pas mes mots : ce film est une horreur !


Je m'attendais, à voir la bande annonce et une ligne de synopsis, à un film où les destins de trois femmes issues d'une même famille vont nous être expliqués. Ils seraient confrontés, rapprochés simultanément, alors pourtant qu'ils sont ancrés dans différentes époques, soumis à différentes moeurs. Comment réagir face à des situations similaires, deux générations plus tard ? Quelle aurait été la vie de mamie si elle était née 40 ans plus tard ? Sujet intéressant à exploiter, me suis-je dit.


Que nenni. Rien de tout ça. On suit juste linéairement trois femmes à la vie chiante, si chiante en fait qu'elles n'ont jamais pu exister. Le tout affublé d'un rythme extrêmement lent. Vous savez, ce rythme où les acteurs jouent au ralenti ? Il n'y a qu'à voir cette scène de la course sur un pont... Niaise et tellement ridicule. Du propos à l'exécution, tout est chiant comme la pluie.


Et ça sonne si faux qu'on ne croit en rien. Par exemple (vous pouvez lire, ce n'est pas un spoil), voici une scène où la mère et la fille se retrouvent dans une pièce, seules sur un lit. Après 30 secondes de silence, la fille dit :
"mère, j'ai quelque chose à vous dire".
La mère la regarde, sans dire mot, pendant 10 secondes.
"mère, promettez-moi de respecter mon choix".
Rien pendant 10 secondes.
La fille livre sa révélation.
La voix-off (omniprésente) nous apprend alors les sentiments qui se bousculent chez la mère, Audrey Toutou, procédé fort utile vu le jeu inexistant de l'actrice. Qui répondra 15 secondes plus tard : "il faut encore y réfléchir".


....


Quand cette scène-a-t-elle commencé ?
Dans la vie, et même dans les romans, deux personnes ne se retrouvent pas dans une pièce, figés comme sur une mauvaise copie d'un tableau de Maître, l'un regardant l'autre en chien de faïence, 40 secondes dans un silence de crypte, amorphes et sans expression, en attendant qu'on daigne prendre la parole. Si on s'attend à une dure nouvelle, on perçoit un stress d'un des personnages. Ou une inquiétude. Ou n'importe quelle émotion en fait ! Ici rien. C'est vide. C'est plat. C'est sans saveur.


Plus largement, ce film est hanté par deux éléments particulièrement énervant : la voix-off qui explique ce qui se passe, puisque visiblement, les acteurs ne sont pas capables de jouer ; et un piano, qui joue en boucle la même partition, à vous rendre fou.


En dehors de quelques crises de larmes extrêmement théâtrales et sur-jouées (à part Audrey Toutou sur une scène), le jeu des acteurs est réduit au néant. Mention particulière à Mélanie Laurent absolument nullissime.


Pas vraiment leur faute cela dit : il n'y a rien à jouer, rien à dire, rien à exploiter.


Puisqu'on se contente d'une scène de séduction, une scène de mariage, une scène de noce, puis des pertes et des deuils.


En bref, en dépit d'une photographie colorée et de bonne qualité, et d'une réalisation technique de bonne facture, multipliant quelques expositions, plans séquences et panoramas, tout est à jeter. On se ressent rien. On ne s'émeut pas. On s'ennuie ferme au départ, puis on s'agace, on devient nerveux face à la pauvreté du jeu et des situations, face au rythme lent et à ce piano. Ce piano. CE PUTAIN DE PIANO !

SoiM
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le 12 sept. 2016

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SoiM

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