On était en droit de s'attendre à une saga familiale à travers l'histoire, passant d'une génération à une autre avec son lot de joie, de drame, de vie et de mort, la vie quoi. Mais dès le début, au son du piano accompagné de la voix off, on plie sous le poids du dialogue inexistant et d'une avalanche de scènes paradisiaques (jusque dans la mort) qui étouffe le propos de l’éternité.
L'absence de dialogues viendra contrecarrer les envolées dramatiques, la voix de la narratrice évoquant les pensées des personnages, interdits de parole ; cela représente sans doute une forme de tabou de la discussion de l'époque mais n'en reste pas moins frustrant. Si la musique classique accompagne gentiment l'histoire elle ne devient pas un personnage, elle reste en retrait, seulement présente pour rythmer une belle mise en scène. Car si le film possède une qualité c'est bien celle d'une photo parfaite. Les costumes sont d'ailleurs autant à l'honneur car seuls véritables marqueurs temporels. On sent l'envie de dévier, de s'éloigner du schéma type de la chronique familiale, mais celle-ci garde un intérêt de par son fond historique. Or ici il n'est point mention de temporalité (l’éternité se fie du temps), l'histoire semble se passer sur une île déserte dans la seule maison familiale (bien qu'il y ai mention d'un appartement).
A un moment j'ai trouvé audacieux de se pencher sur la condition des femmes, montrant les deux facettes qui régissait celles à l'époque : à savoir devenir une épouse et une mère ou se retrancher dans la religion. Pour autant si le propos était dénonciateur, il donne une image sereine et merveilleuse de la maternité, une vision idyllique qui ne me sied guère. Outre le fait qu'on évolue seulement au sein de la bourgeoisie (il aurait été plus sale de s'aventurer ailleurs), il y a une douceur et un accord parfait dans les corps et dans l'éducation des enfants qui me dérange ; aucune brebis galeuse ne vient perturber l'harmonie familiale, seule la mort semble faire verser des larmes.
Et puis il y a cette histoire de générations, le film passe vite au travers des enfants, pour n'en suivre qu'un réellement. A part les acteurs connus, les autres se confondent pour ne donner aucune personnalité à chaque membre de la famille.
La déception est d'autant plus grande qu'on sent une approche très Terrence Malick de moments choisits de la vie. Mais là où l'américain nous transportait dans une enfance universelle, dans ce lien aux autres qui se construit, Trần Anh Hùng se contente d'images parfaites sans âme. Loin de refléter la vie, la vraie, le film se contente de montrer l’éternité vue du paradis. Je ne suis pas sur de vouloir remonter le fil d'une génération aussi plate.

LuluCiné
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le 18 sept. 2016

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