Dès la première image, j'ai eu un peu peur. Une photo de famille, un plan très long ; belle image, grain très fin, couleurs ravissantes, et pourtant : quelques secondes de trop, les cinq secondes de trop qui laissent présager le pire.
La voix-off (qui a des airs de petite fille première de classe fantasmant sur une bonne fessée), d'abord naturelle, commence rapidement à surprendre de par son omniprésence. Après les dix premières minutes du film, une crainte s'installe dans le coeur du spectateur : les acteurs vont-ils parler ? Ou le film s'apprête-t-il à relever le défi de TOUT raconter en voix-off ? L'espace de quelques charmants instants, les décors somptueux, les costumes, le cadre de rêve détournent l'attention et jettent de l'or aux yeux. Et...rien d'autre. Dans Éternité, les femmes sont toutes belles, les hommes tous beaux ; ils ont de beaux habits, de belles coiffures, et vivent d'amour et d'eau fraîche. L'érotisme du film alterne avec une répétition assez extraordinaire les baisers sur les mains, sur les cheveux, sur le front ; les caresses sur les mollets, sur les pieds, sur le nez. Faites vos paris : dès que vous voyez un personnage s'avancer vers un autre, ne vous attendez pas à une grande révélation ou un secret de famille : les acteurs, pourtant bons, sont privés de parole. Sont-ils intelligents ? Savent-ils lire, écrire, débattre ? Quelques fugaces papiers griffonnés le suggèrent, mais quand il s'agit de profondeur, le film donne le ton : la seule femme qui lit dans ce film (dont pourrait développer une fécondité autre que celle de son utérus), meurt dans sa prime jeunesse.
La voix-off se pâme dans un fluide romantique à deux sesterces "Et dans la langueur de la morne solitude et des années passantes de l'amour ce poids tendre dans le creux infini du bras tendu de douceur, Valentine songeait que la tendresse infinie de la mère esseulée qu'elle était ne finirait jamais et qu'elle pleurerait silencieusement la perte de sa descendance tragiquement volée dans la fleur de l'âge". Je vous assure qu'au bout d'une demi-heure ça commence déjà à exaspérer.


Conclusion : personnages creux que l'on prétend montrer profonds (le réalisateur ne craint pas de nous prendre pour des idiots à ce niveau), des femmes oisives et gracieuses qui passent leur temps à enfanter - honnêtement, je n'ai jamais vu autant de faux ventres en un seul film - des prénoms qui s'entremêlent et tombent dans l'oubli, un montage fait avec les pieds : car entre les flash back, les répétitions, les ralentis, la musique qui te fait parfois l'effet d'un jump scare alors que tu t'endormais tranquillement, on peut oublier jusqu'à son propre prénom et ceux de ses aïeux.
Ce n'est pas un film sur la beauté de la maternité : c'est un film sur la beauté d'être un ventre et une bouche, bons qu'à enfanter et baiser des morceaux de peau.
Oscar à la bande-annonce, qui est une véritable arnaque !

AlexiaMarchand
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le 2 oct. 2016

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Alexia Marchand

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