D’un point de vue narratif, le film accorde une grande place aux cérémonies telles que les mariages, les baptêmes et autres enterrements. Des événements assurément cruciaux dans la vie d’une famille mais dont l’accumulation et la répétition formelle ne peut que finir par générer une certaine lassitude chez le spectateur. Pire encore, leur surreprésentation tend à phagocyter le reste du récit et empêchent les personnages d’exister ailleurs, limitant de beaucoup l’empathie que l’on pourrait éprouver envers eux. La froideur du jeu des acteurs et du point de vue du réalisateur sur ses personnages n’arrange rien à l’affaire. Peut-être parce qu’elles viennent en contrepoint de l’ensemble de ces facteurs, les séquences plus émotionnelles ont, elles, un bel impact. Mais elles sont trop rares pour renverser la tendance générale du métrage vers une froide monotonie.
Familles (nombreuse) je vous aime
Le choix de faire de cette famille une représentante de la bourgeoisie traditionnelle catholique dans ce qu’elle peut avoir de plus idéalisé est également hautement discutable. Certes, cela permet de mettre en valeur la reconstitution de l’époque et de signer des plans de toute beauté que n’auraient pas reniés les peintres romantiques du 19e siècle. Mais la déconnexion complète de la famille avec son environnement aussi bien temporel que culturel laisse perplexe. Même en passant d’une génération à l’autre, celle-ci semble comme figée à jamais dans le temps, dans les valeurs du 19e siècle où la femme n’est bonne qu’à s’occuper des enfants et où tout le monde obéit bien sagement à la hiérarchie générationnelle. Cette existence en complet vase clos apparait comme l’idéal promu par Tran Anh Hung , c’est elle qui, si l’on en croit le film, est la source ultime du bonheur. N’y avait-il pas la possibilité de proposer une vision de la famille plus ouverte sur son environnement et flexible sur ses valeurs fondamentales ?