Houla. Objet Filmique Non Identifié droit devant. Ou, tout du moins, mal identifié (et je ne dis pas ça en raison du titre français étonnant, même s'il reste plus compréhensible que le titre original). Un bien étrange conte, érotique à de très rares moments, qui se concentre plutôt sur un couple anglais en perdition (Natasha Richardson et Rupert Everett) et en quête d'un certain renouveau amoureux sur les lieux du climax de leur relation : Venise. Mais attention, ce n'est pas la Venise des cartes postales, purement romantique : on est beaucoup plus proche de la ville à l'ambiance dépeinte dans un autre film cultivant une certaine notion de l'étrange, Don't Look Now, de Nicolas Roeg. Une vraie curiosité dans le parcours de Paul Schrader qui, si l'on ne peut tout le temps accrocher à ses partis pris (esthétiques ou autres), semble sincèrement donner corps au terme "auteur". Un film assez peu connu dont l'atmosphère intrigante et vénéneuse se trouve renforcée par ce côté confidentiel.


En réalité, on ne comprend le but (assez flou il faut l'avouer) de The Comfort of Strangers que quand le couple en rencontre un autre, composé de Christopher Walken (inquiétant et classieux) et Helen Mirren (parfaitement dans son rôle, c'est saisissant). Cette dernière murmurera à l'autre femme la phrase-clé : "I'll tell you where you are — on the other side of the mirror." L'essentiel est divulgué en un instant et rater ce message pourrait rendre la compréhension de l'ensemble difficile, au-delà de ses aspects peu ou pas réussis (je pense notamment à la fin étrangement précipitée). C'est en tous cas une clé pour apprécier le film sous une perspective particulière.


Il est donc question d'un jeu en miroir entre les deux couples, ou une dynamique faite de fascination ("He looks like a God!") et d'influence se met peu à peu en place. Un couple moderne, par opposition à un couple résolument ancré dans l'ancienne figure du mari et de la femme soumise. L'étrange ressort autant des relations ambiguës entre les personnages que des ruelles tortueuses de Venise, de jour comme de nuit, qu'une photographie douce et sensuelle vient caresser. Mêmes remarques au sujet de la musique composée par Angelo Badalamenti.


C'est un exercice de style à moitié raté (et donc à moitié réussi en ce qui me concerne), très simple dans l'esprit, mais plus labyrinthique dans son développement. Je garderai surtout en mémoire l'ambiance générale soigneusement travaillée, au charme vénéneux, et bien plus marquante que la trame narrative, un peu décevante. Et cette séquence incroyable où Christopher Walken se lance dans un des monologues les plus longs et les plus gênants, véritable leitmotiv du film.


[Avis brut #34]

Morrinson
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le 17 janv. 2016

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Morrinson

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