Eugénie Grandet ou l'asphyxie par l'avarice.

J'ai vu l'avant-première au cinéma le Palace de Saumur de ce film de Marc Dugain qui sortira en salle mercredi 29 septembre.


D’abord, une affiche qui donne le ton: dans le froid, une jeune femme couverte, emmitouflée, mariale, tournée vers le passé (l’héritage) et un père qui la surveille dans son dos, le col noué comme sa bourse.


La salle de cinéma est aseptisée. Des rangées de masques de curieux qui font sourire le directeur fier de voir une salle qui " ressemble presque à celles d'avant."
Et le film.
Le père Grandet arrive d'une vente et son entrée au domicile vient couper les respirations distinctes de sa femme et de sa fille qui attendent patiemment autour de la table familiale. Et cela dure 1h45. Grandet vend comme il respire. Il n'achète pas. Ses proches s'éteignent à petit feu derrière les fenêtres fermées ou devant une flamme vacillante. Même si l'arrivée de Charles, le cousin, va permettre à Eugénie de prendre l'air frais et de faire danser ses cheveux, Grandet remettra vite le couvercle sur la marmite pour étouffer une soif de liberté trop onéreuse. Des lieux fermés: du pain sous verrou, une alcôve, un confessionnal, des manteaux lourds. Marc Dugain nous prive de liberté en choisissant des plans rapprochés sur des visages anémiés, offrant parfois, pour le souligner, un bol d'air dans les vignes ou sous les peupliers. Notre attention aux êtres étouffés doit être complète: la musique se fait discrète, les actions lentes et les lumières douces. Les acteurs secondaires sont oppressants, allant presque jusqu’à s’adresser à la caméra tant ils sont proches du spectateur. Le spectateur est confiné avec Eugénie sur son ouvrage, incapable d’ouvrir son horizon. Aucune vue de Saumur mais les murs clos de Fontevraud et de caves où se déroulent les transactions pécuniaires du détenteur du magot.


Après le film, le réalisateur évoque le tournage terminé cinq jours avant le confinement. Le petit budget du film pour une grande œuvre littéraire. Le Covid ramené d’Italie par un membre de l’équipe. Les journées ternies par la fièvre de certains membres et le montage difficile en confinement.


Faut-il trouver là cette impression d’enfermement ou dans l’œuvre de Balzac ? À vous de juger.

Verolesaffre
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le 27 sept. 2021

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Verolesaffre

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