Eurociné 33 Champs-Élysées par Claire Magenta

« La vie amoureuse de l’homme invisible, Des filles dans une cage dorée, Deux espionnes avec un petit slip à fleur, [...], Panther squad, ces films rapidement tournés, à très faible coût, exploités jusqu'au déclin des salles de quartier au milieu des années 80, ne sont pas plus exotiques pour nous qu'A bout de souffle et Les enfants du Paradis. Ce sont des œuvres françaises [...] produites par une seule firme : EUROCINÉ ». C'est par cette brillante introduction que le bienveillant Christophe Bier ouvre ce documentaire, qui fera date chez tous les amateurs de cinéma Bis. Diffusé en avant-première lors d'une des inénarrables soirées Cinéma Bis à la Cinémathèque française, et dans le cadre d'un double programme consacré à cette sacro-sainte société de production hexagonale, Eurociné 33 Champs-Elysées n'est rien de moins qu'une oeuvre de salut public, ou l'histoire de ce singulier studio français au rayonnement international.


Entreprise familiale dirigée en 1957 par cet ancien forain, qui louait au départ du matériel pour les tournages de film (Une belle garce de Jacques Daroy), Eurociné connut son heure de gloire dans les années 60 et 70, époque bénie où l'appétit des salles de quartier connaissait peu de limite. Chantre du film d'exploitation fauché, peu d'amateurs de friandises déviantes savent néanmoins que Lesoeur père débuta à la fin des années 40 dans des productions plus grand public (Jésus la Caille avec Jeanne Moreau et écrit par Frédéric Dard ou Sursis pour un vivant avec Lino Ventura). Mais des difficultés avec des distributeurs poussèrent Marius à chercher de nouveaux collaborateurs à l'étranger, de l'autre côté des Pyrénées, à Barcelone. Avec ses associés espagnols et la société dont il venait de faire l'acquisition, rebaptisée Eurociné, Lesoeur père se lança dans la production des premiers westerns tournés en Europe (La charge des tuniques rouges, Cinq rafales pour Ringo). De ces premiers pas dans le cinéma dit de genre, la société située désormais au 33 Champs-Elysées devint le fer de lance d'une production débridée en marge de l'industrie et des structures du cinéma traditionnel français.


Auteur d'un Dictionnaire des longs métrages français pornographiques et érotiques en 16 et 35 mm, et grand initiateur du coffret en cinq volumes retraçant les vingts ans des soirées Bis précédemment citées, Christophe Bier nous narre les secrets de fabrication de cette firme (l'art délicat d'utiliser des séquences d'autres films ou en exclusivité mondiale les studios qui accueillirent les scènes les plus mémorables d'Eurociné). A travers les précieux témoignages de Daniel Lesoeur et les complices amusés (acteurs et cinéastes) de l'époque, Eurociné 33 Champs-Elysées fait revivre un temps révolu, quand la débrouillardise de Marius se conjuguait aux moyens limités de ses films, et où le seul réalisateur maison qui sut profiter de cette espace de liberté se prénommait Jesús Franco.


Toujours en activité, Eurociné exploite son catalogue de films et reste présent sur les marchés internationaux. Son plus grand succès, Le lac des morts-vivants signé Jean Rollin par le pseudonyme J.A. Lazer, non content d'avoir été vendu à travers le monde, de l'Italie au Japon en passant par les Etats-Unis, connut l'année dernière une réédition Outre-Atlantique en Blu-Ray (au même titre que sa fausse séquelle L'abîme des morts-vivants).


Documentaire salutaire, Eurociné 33 Champs-Elysées ravira autant les anciens cinéphiles que les nouveaux amateurs du cinéma de genre.


Recommandé.


http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2014/05/eurocine-33-champs-elysees-christophe.html

Claire-Magenta
8
Écrit par

Créée

le 20 mai 2014

Critique lue 813 fois

4 j'aime

Claire Magenta

Écrit par

Critique lue 813 fois

4

D'autres avis sur Eurociné 33 Champs-Élysées

Eurociné 33 Champs-Élysées
freddyK
7

Septième Art Forain

Eurociné 33 Champs-Élysées est un documentaire de Christophe Bier qui revient sur l'histoire du studio Eurociné fondé par Marius Lesœur et son fils Daniel. Un studio qui abreuvera pendant presque 25...

le 14 mars 2022

2 j'aime

Eurociné 33 Champs-Élysées
RENGER
6

La débrouille & le système D étaient le leitmotive pour produire ses innombrables Séries B & Z

Christophe Bier (journaliste & historien du cinéma) dresse le portrait d’Eurociné, une société de production française qui a connu son heure de gloire entre les années 60 & 80. Spécialisée...

le 13 févr. 2021

1 j'aime

Eurociné 33 Champs-Élysées
fairybrownie
8

Documentaire sur les tréfonds du bis français

Je connaissais Eurociné qu'à travers quelques productions de Jess Franco. J'ai néanmoins voulu en savoir plus sur cette boîte de production et ce reportage est tombé à pic. On y suit les prémices et...

le 25 août 2020

Du même critique

Low
Claire-Magenta
10

En direct de RCA

— Si nous sommes réunis aujourd’hui messieurs, c’est pour répondre à une question, non moins cruciale, tout du moins déterminante quant à la crédibilité de notre établissement: comment va -t-on...

le 7 mai 2014

20 j'aime

8

Sextant
Claire-Magenta
9

Critique de Sextant par Claire Magenta

La règle générale voudrait qu'un artiste nouvellement signé sur un label, une major qui plus est, n'enregistre pas en guise de premier disque contractuel son album le plus expérimental. C'est...

le 28 juil. 2014

18 j'aime

Y aura t-il de la neige à Noël ?
Claire-Magenta
8

Critique de Y aura t-il de la neige à Noël ? par Claire Magenta

Prix Louis Delluc 1996, le premier film de Sandrine Veysset, Y'aura t'il de la neige à Noël ?, fit figure d'OFNI lors de sa sortie en décembre de la même année. Produit par Humbert Balsan, ce long...

le 19 déc. 2015

16 j'aime

1