Il arrive parfois qu'un réalisateur médiocre, dénué de toute ambition artistique, soit touché par la grâce et livre une authentique réussite. Ce fut le cas de Paul W.S. Anderson, petit réalisateur britannique issu de l'écurie Corman, lorsqu'il livra en 1997 Event Horizon (très originalement sous-titré Le vaisseau de l'au-delà en France), son troisième film après le méconnu Shopping et la première adaptation de la franchise vidéo-ludique Mortal Kombat.
Bon, il faut tout de même relativiser, Event Horizon n'est pas vraiment le meilleur de ce qu'a pu donner la SF horrifique mais...


Le docteur Weir (Sam Neill), ingénieur en poste sur une station orbitale de la Terre est réquisitionné pour une mission spéciale à bord du Lewis and Clarke, un vaisseau de sauvetage composé d'une dizaine de membres dirigés par le capitaine Miller (Laurence Fishburne). Leur objectif, gagner les environs de Neptune où dériverait un vaisseau dont la balise de détresse désigne comme étant l'Event Horizon conçu par Weir lui-même et disparu mystérieusement dans les tréfonds de l'espace depuis sept ans.
Arrivé en orbite de Neptune, une partie de l'équipage du Lewis and Clarke pénètre bientôt en reconnaissance à l'intérieur de l'immense vaisseau qui semble bel et bien avoir été déserté par son ancien équipage. Le Lewis and Clarke subit bientôt une avarie et contraint tout son équipage à trouver refuge dans le vaisseau fantôme. Là, chacun des membres va être confronté à de terribles et inavouables visions.


Empruntant beaucoup au décorum d'Alien, le récit d'Event Horizon prend une tournure conceptuelle différente en se concentrant sur l'angoisse introspective de ses protagonistes, tous portant en eux une souffrance secrète, une culpabilité enfouie ou le deuil d'un être cher. Bientôt certains fantômes de leur passé se manifestent à chacun d'entre eux, au détour des coursives obscures du vaisseau. Mais sont-ce vraiment des fantômes ou des manifestations d'un tout autre genre ?
Car en voulant "plier" l'espace-temps par le biais d'un réacteur gravitationnel révolutionnaire pour raccourcir la durée des voyages intersidéraux, le docteur Weir a peut-être créé un authentique portail inter-dimensionnel qui expliquerait ainsi la longue disparition des radars du gigantesque vaisseau Event Horizon.
Mais où pouvait-il avoir échoué durant sept longues années et surtout qu'à t-il ramené de cet autre côté de l'univers ?
Très vite l'équipe de secours découvre les messages du capitaine de l'équipage disparu, lequel dans une succession de mise en garde parle ni plus ni moins que de l'Enfer, cette dimension de perdition où échouent les âmes damnées et où règnent d'inconcevables entités démoniaques. L'équipe étant confrontée à une succession d'apparitions de proches disparus, chacun de ses membres commence dès lors à perdre pied, en proie à des hallucinations de plus en plus violentes et terrifiantes.


En 1996, Sam Neill accepte le rôle que la Paramount lui propose dans Event Horizon, à savoir celui de l'ambigu docteur Weir, veuf inconsolable depuis le suicide atroce de son épouse. Son personnage torturé est d'abord présenté comme un intrus parmi l'équipage du Lewis et Clark, s'adaptant difficilement à ses nouveaux compagnons de voyage et à l'antipathie qu'ils lui manifestent. L'empathie du spectateur se dirige alors naturellement vers le docteur Weir au final le personnage le plus travaillé de tous.
Il est intéressant de constater que bien qu'étant un homme de science, Weir ne tarde pas à envisager une possible passerelle vers l'Enfer, se confrontant aussitôt au point de vue du pragmatique capitaine Miller.
La dualité des deux personnages se veut plus subtile qu'elle n'y paraît montant crescendo tout au long de l'histoire.
Les seconds rôles sont au diapason entre une fragile Kathleen Quinland et un Jason Isaacs au coup de scalpel facile.
Cerise sur le gâteau, Paul W.S. Anderson met en scène son intrigue avec une réelle originalité s'autorisant parfois quelques audaces visuelles jamais vues jusqu'alors (je pense en particulier à ce fascinant travelling arrière qui du seul visage de Weir derrière le hublot de sa cabine recule vertigineusement jusqu'à dévoiler l'immensité de la station orbitale du début du film).
Seul bémol de taille à mon sens, l'intrigue devient très vite redondante tant elle verse dans la mise-à-mort systématique et le gore parfois excessif. Qui plus est, l'épilogue du film détonne sévèrement tant il n'innove en rien et s'appuie sur une musique techno-cheap désamorçant toute l'angoisse qui a précédée.


Event Horizon est finalement un film de SF horrifique au pitch trompeur car évoquant au premier abord un énième dérivé d'Alien alors qu'il se pose plus comme une originale variation du film de maison hantée, ancrée cette fois-ci dans une unité de temps et de lieu futuriste.
Il faut ainsi voir la première apparition du terrifiant vaisseau fantôme dérivant en orbite de Neptune dont l'atmosphère est constamment parcourue de tempêtes et d'orages. Une vision tout à fait originale et réjouissante pour un "petit" film de SF, substituant à la bâtisse hantée et à la nuit orageuse, le vaisseau silencieux et l'immensité ténébreuse de l'espace illuminée par les gigantesques éclairs "neptuniens".
Mais au-delà de cette référence classique du cinéma d'épouvante, le récit prend largement pour influence les écrits de Clive Barker à travers son esthétique de la damnation, ses corps scarifiés et torturés, cette potentielle dimension infernale côtoyant notre réalité.
Event Horizon est finalement un film d'ambiance, plus réussi dans son esthétique que dans son scénario, hélas un rien convenu.


Le film passant fit un four à sa sortie en salles (le prix de mon ticket de l'époque aura été une infime et modeste contribution au renflouement des caisses des producteurs). Il a pourtant depuis acquis un statut de film culte tout en devenant une référence du space-opera horrifique en plus d'une alternative originale à la franchise Alien et à ses innombrables succédanés.
Il aura d'ailleurs servi plusieurs fois d'influence à nombres d'autres oeuvres tous médiums confondus (je pense surtout à la franchise vidéoludique Dead Space et aux hallucinations récurrentes tourmentant le pauvre Isaac Clarke comme celles du docteur Weir).
Paul W.S. Anderson, malgré cette authentique réussite promettant une carrière de nouveau maître de l'horreur, ne fera pourtant jamais mieux et se bornera à ses piètres adaptations écervelées sans aucune autre ambition que l'esbroufe bas de gamme. A croire qu'il ne sera jamais le réalisateur que d'un seul bon film...

Créée

le 30 juin 2014

Critique lue 2.5K fois

20 j'aime

5 commentaires

Buddy_Noone

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

20
5

D'autres avis sur Event Horizon : Le Vaisseau de l'au-delà

Event Horizon : Le Vaisseau de l'au-delà
LeTigre
7

Un vaisseau mystérieux et cauchemardesque !

Paul S. W. Anderson n'a peut-être pas su conquérir les fans de Mortal Kombat avec sa précédente production éponyme ratée et sous-exploitée, cela ne l'a pas empêché de nous prouver qu'il est capable...

le 22 mai 2018

25 j'aime

5

Du même critique

Les Fils de l'homme
Buddy_Noone
9

La balade de Théo

Novembre 2027. L'humanité agonise, aucune naissance n'a eu lieu depuis 18 ans. Pas l'ombre d'un seul enfant dans le monde. Tandis que le cadet de l'humanité vient d'être assassiné et que le monde...

le 18 juil. 2014

91 j'aime

6

Jurassic World
Buddy_Noone
4

Ingen-Yutani

En 1993, sortait avec le succès que l'on sait le premier opus de la franchise Jurassic Park. En combinant les différentes techniques de SFX et en poussant à leur paroxysme des images de synthèse...

le 16 juin 2015

84 j'aime

32