"The most ferociously original film ever made"

Tout d’abord, Evil Dead, qu’est-ce que c’est ? Pour moi, c’est LE film d’horreur qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Si vous ne deviez voir qu’un seul film d’horreur, c’est bien celui-ci. Même si je préfère très nettement le deuxième,ce premier film est déjà en lui-même une grande réussite.


Pour se remettre dans le contexte de l’époque, trois potes de lycée ont envie de tourner un film. Leur seule expérience se limite aux cours de comédies pris à l’école. Le réalisateur lui-même n'a que 20 ans à peine et est totalement inexpérimenté dans le métier. Mais ce n’est pas grave parce qu’ils sont animés par la passion et savent qu'en s’y mettant à fond, ils arriveront à faire le film qui leur plaît. Ils ne savent pas encore que le film occupera trois ans de leur vie. Preuve sera faite qu’en mettant son cœur et son âme dans un projet dans lequel on croit, on peut arriver à faire des miracles.


Le réalisateur est donc un jeune inconnu qui a aujourd’hui fait ses lettres de noblesses en réalisant les aventures d’un gars en costume d’araignée qui fait des cabrioles en plein cœur de New-York. Et oui, le petit jeunot à la tête de Evil Dead n’est autre que Sam Raimi qui signe ici sa première réalisation de long-métrage. Mais déjà pour ce film, il a des idées plein la tête qui se concrétiseront à l’écran par des trouvailles originales pour l’époque et qui participeront au succès du film. Autre grande figure indissociable de la saga, c’est Bruce Campbell. Meilleur ami de Sam Raimi, il interprète le rôle principal, celui du benêt Ash qui se verra obliger de dégommer du possédé s’il veut survivre. Le troisième larron s’appelle Robert Trapper et sera cantonné à la production. Tout trois ont déjà réalisé un moyen métrage du nom de Within the Woods qui est l’embryon d’Evil Dead et qui servira à convaincre des investisseurs potentiels.


Car Evil Dead est avant tout une production artisanale. Il s’agit de trois potes sans le sous qui vont aller voir des médecins, des avocats et des dentistes avec leur moyen-métrage pour que ceux-ci leur débloquent un investissement suffisant pour réaliser le long-métrage que Sam Raimi a entête. La somme finale ne sera pas mirobolante mais suffisante, une fois alliée au savoir-faire du jeune réalisateur et au dévouement de son équipe, pour réaliser un excellent film. Une autre de leur amie viendra rejoindre le casting pour interpréter la sœur de Ash et trois autres comédiens seront également ajoutés au casting. 5 comédiens seulement mais en même temps, il n’y en a pas besoin de plus. 5 comédiens qui subiront les pires souffrances pour voir le film se mettre en boite. Température en dessous de zéro, maquillage toxique,journées et nuits harassantes… Rien ne leur sera épargné et le résultat à l’écran traduit bien la complicité qui devait régner entre ces acteurs qui auraient pu craquer à tout moment. L’authenticité du film, n’en ressort que d’avantage.


Voilà pour ce qui est de la genèse du film, je vais maintenant parler du film en lui-même. Cinq jeunes décident de passer quelques jours de repos dans une cabane au beau milieu des bois. Dans le sous-sol de celle-ci, ils trouvent un vieux livre, une dague faite d'ossements, un fusil et un vieux magnétophone. La bande magnétique renferme une incantation du livre des morts qui va réveiller les démons et leur ordonner de prendre possession des vivants. Seul Ash sera épargné. Il passera la pire nuit de sa vie en tentant de se défendre de ses amis habités par des esprits démoniaques. Ouah ! Pour tout fan d’horreur, ce pitch fait sacrément envie, n’est-ce pas ? Et Sam Raimi saura exploiter son scenario au maximum au moyen d’excellentes trouvailles.Déjà, les personnages. Ce que je reproche aux productions dites horrifiques actuelles, c’est leur manque de caractérisation. Il faut avouer que la plupart du temps, on s’en fout de tel ou tel personnage, ce qu’on veut, c’est le voir mourir. À l’époque, ce n’était pas pareil et Evil Dead est un exemple du genre.


Le film ne démarre pas en grandes pompes. On a déjà quelques prémices, il y a dès le début une ambiance qui met mal à l’aise, qui fait peur mais on ne parle pas encore de démons. On s’intéresse d’abord à ces 5 jeunes. On voit qui est avec qui, quelles relations ils entretiennent entre eux, bref, on apprend à les connaître. Pour moi, c’est un passage obligé car c’est en s’attachant aux personnages que leur destin funeste crée une réelle émotion en nous. Et le fait qu’ils ne soient que 5 permet de ne pas bâcler cette partie car actuellement,on préfère mettre une dizaine de personnes totalement transparentes dans le seul but de les voir se faire étriper à tel point qu’on s’en fout de les voir mourir. Une fois l’un mort, on attend le suivant et on rigole bien. Ici, Sam Raimi retranscrit parfaitement le dilemme que les personnages traversent et vu que nous nous sommes attachés à ces personnages, on se sent mal pour eux. L’empathie est un sentiment qui crédibilise une œuvre et ici, c’est parfait. Que ce soit Scott qui doit tuer Shelly, sa petite copine ou Ash obligé de se défendre contre Linda, égalent sa copine, qui n’a plus rien de ce qu’il a pu aimer. Certains moment sont très difficiles psychologiquement et le désarroi de Ash est palpable. Et là, il faut applaudir Bruce Campbell qui est crédible de bout en bout. Il joue le personnage crédule,naïf et faible. C’est un gars parfaitement normal qui se retrouve dans une situation extrême et anormale et qui n’est pas du tout préparé à ça. Il se prend des mandales, fait des erreurs, se laissent duper par les démons, craque à certains moment… Ash, c’est l’antihéros par excellence mais c’est surtout un personnage qu’on aime.


Je dois également avouer que ce film est véritablement effrayant. Je l’ai vu je ne sais combien de fois et il me fout encore la trouille. Le mérite en revient tout d’abord à un timing parfaitement maîtrisé. La première possession par exemple où l’angoisse monte petit à petit avant d’exploser dans une scène à faire froid dans le dos. On sursaute plus d’une fois dans ce film tout simplement parce qu’on ne s’y attend pas et ce aux moments les plus improbable comme lors de la possession de Linda. Grand moment que cette possession où Betsy Baker incarne la folie et le mal à l’état pur, torturant notre Ash dans une série de scènes insoutenables. Une interprétation brillante de sa part. Et ce rire, ce rire ! Autre élément important, c’est l’utilisation des sons. On sait que les sons sont retravaillés en post-production pour sonner vrais, même si parfois ils sont un peu exagérés.Pour Evil Dead, le son sert à installer une ambiance surréaliste. Le bruit de la caméra qui passe par-dessus une série de poutre n’est en rien comparable à quoi que ce soit; l’absence de bruit de moteur lorsque la voiture roule donne d’entré de jeu une atmosphère étrange au métrage ; le bruit du démon qui déboule dans la forêt est totalement étrange et renforce le mystère qui entoure cette entité démoniaque. Pour l’anecdote, ce bruit est en fait celui de la moto que Sam Raimi enfourchait pour débouler à tout allure dans les bois, caméra à l’épaule.


Ce qui me permet d’enchainer avec la réalisation. Sam Raimi a des idées plein la tête et veut se faire plaisir. Il y a beaucoup d’expérimental dans ce qu’il fait et c’est ce qui procure ce côté unique à Evil Dead. Je vous ai parlé de la caméra sur la moto mais il y a également la shaky cam, invention de son cru, permettant de donner des mouvements fluides à la caméra. La scène renversée où Sam Raimi a fait travailler ses abdos en se tenant à l’envers, jambes accrochées à une poutre avant de se redresser pour une simple scène.Était-ce vraiment indispensable ? Peut-être que non, mais le résultat à l’écran donne vraiment une plus-value au film d’autant qu’elle se fait à un moment où on est vraiment seul avec Ash et où ces mouvement de caméra un peu fous semblent traduire la folie qui s’empare peu à peu du pauvre garçon. Autre procédé utilisé par Raimi, c’est la bande inversée où, lors de la scène du viol par les arbres, Ellen Sandweiss a dû jouer ses émotions à l’envers car il était impossible avec leurs moyens financiers de réaliser un effet spécial avec les branches d’arbres s’enroulant autour de la jambe de la pauvre femme. Il a donc fallu dérouler les branches déjà accrochées à son corps et repasser la bande à l’envers pour le film, d’où le besoin de jouer à l’envers. Ce sont pleins de petites idées qui font la force d’Evil Dead.


Les maquillages aussi sont très réussis. Les démons sont carrément flippants. Les acteurs font un très bon boulot pour leur donner un aspect désarticulé mais les responsables maquillage leur ont donné cet aspect affreux en tout point. Le gore n’est pas en reste car le seul moyen de se débarrasser de ces démons, c’est de les démembrer. Et le démembrement, ça tâche. Un gore excessif qui peut parfois prêter à rire mais également parfaitement dégoûtant.Les fans du style ne seront pas déçus.
Que dire de plus ? Je crois que j’ai fait le tour. Evil Dead est ma saga préférée de l’horreur parce qu’elle est parfaitement maîtrisée et ne s’enlise pas dans le pathétique en multipliant les suites indigestes comme certains autres films ont pu faire (Tristement célèbres, Les griffes de la nuit ou les Halloween). C’est un vrai film d’horreur avec une vraie ambiance qui fout la trouille, contrairement aux productions actuelles qui sont tellement aseptisées qu’elles ne parviennent plus à faire peur. Pour cela, il faut se tourner vers le circuit des films indépendants qui ne répondent à aucune demande de gros producteurs et donc se permet toutes les libertés possibles. Et Evil Dead est un film indépendant et ne se gêne pas pour frapper la où ça fait mal. Stephen King a dit du film au moment de sa sortie que c’était « the most ferociously original film of the year.” Je remplacerais “of the year” par “ever made”. Parce que oui, Evil Dead était déjà original pour son époque et le reste encore aujourd’hui.

Jeremkre

Écrit par

Critique lue 252 fois

1

D'autres avis sur Evil Dead

Evil Dead
Torpenn
3

Raimi : naissance.

Vous m'excuserez par avance de n'avoir de ce film que je viens de finir il y a dix minutes que des souvenirs confus. Il faut dire honnêtement que cette heure vingt qui vient de s'écouler a ressemblé...

le 2 mars 2011

66 j'aime

40

Evil Dead
Raf
9

Join us ! Join us ! Join us ! Join us ! Join us !

Donner moi un solide scénario de film d'horreur : une bande d'amis niais décident de passer le weekend dans une bicoque abandonnée au fin fond d'une forêt, au milieu des collines, derrière des ponts...

Par

le 9 août 2010

61 j'aime

Evil Dead
Gand-Alf
8

Cabin in the woods.

Pour ceux et celles ayant eux la chance de le découvrir lors de sa sortie, "Evil dead" fut pour la plupart un véritable électrochoc, la preuve irréfutable que l'on pouvait faire autre chose qu'un...

le 9 mars 2013

49 j'aime

Du même critique

Evil Dead 2
Jeremkre
10

Slapstick au pays du gore

Fort du succès que son premier film a rencontré, Sam Raimi enchaîne avec une comédie horrifique du nom de Mort sur le grill. Malheureusement pour lui, le film est un véritable flop et ne rendre pas...

le 5 févr. 2017

1 j'aime

1

Evil Dead
Jeremkre
9

"The most ferociously original film ever made"

Tout d’abord, Evil Dead, qu’est-ce que c’est ? Pour moi, c’est LE film d’horreur qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie. Si vous ne deviez voir qu’un seul film d’horreur, c’est bien...

le 4 févr. 2017

1 j'aime

Dead Man Talking
Jeremkre
8

William Lamers, Shéhérazade des temps modernes

William Lamers a été condamné pour double homicide volontaire à la peine de mort par injection létale. 20 h 00, soir de son exécution, il lui est accordé le droit de dire quelques mots avant de...

le 9 févr. 2017