« Evil Dead » ayant fait l’unanimité lors de sa présentation au festival de Cannes en 1982, il était inévitable que Sam Raimi et ses joyeux drilles n'en restent pas à cet exploit. Un succès mérité qui a toutefois bénéficié du soutien plus que bienvenu de l’incontournable Stephen King, lequel était présent sur la croisette afin de présenter le dernier film en date de George A. Romero, « Creepshow », un long-métrage à sketches s’inspirant de ses écrits.

Une rencontre pleine de promesses qui permit à Raimi et son équipe de pousser les portes du bureau de l’un des producteurs les plus importants de l’époque, à savoir Dino de Laurentiis (lequel avait par ailleurs produit le magnifique « Conan le Barbare » de John Milius). King était effectivement en affaire avec ce ponte des studios pour son premier long-métrage et présenta le film de Sam Raimi comme une œuvre s’élevant sans mal par-dessus toutes les autres pour son inventivité et ce malgré leurs manques de moyens.
Mais d’être inventif et débrouillard est une chose, encore faut-il prouver sa capacité à gérer un emploi du temps et un vrai budget. Ce que de Laurentiis imposera à Raimi en lui commandant « Mort Sur le Gril » en 1985, une œuvre horrifique sans envergure qui laissera un goût amer dans la bouche du cinéaste tant le film échappera à son contrôle (chose bien peu surprenante car les producteurs sont de vrais rois et gardent un œil bien ouvert sur leurs poulains, ou plutôt leur investissement pour dire les choses telles qu’elles sont).
Quand bien même, Raimi respectera les clauses de son contrat et livrera son film en temps et en heure, ce qu’il lui permettra de revenir l’année suivante sur l’œuvre de sa vie. Du moins, son expérience avec « Mort Sur le Gril » s’étant montrée tellement décevante d’un point de vue créatif qu’il eut le besoin de créer quelque chose bien à lui.

C’est ainsi que « Evil Dead 2 » fut mit en chantier. Sam Raimi écrivit un premier scénario qui fut rejeté en raison d’un budget jugé trop élevé et vint demander de l’aide au scénariste Scott Siegel afin de sortir une histoire plus accessible d’un point de vue économique.
En raison d’un souci de droits d’exploitation -Raimi n’eût pas le droit de réutiliser les séquences de son premier film-, le réalisateur fut contraint d’écrire une scène d’introduction retraçant les évènements du premier opus, ce qui lui permit par ailleurs de plonger dans le bain ceux n’ayant pas vus « Evil Dead » (le film dispose d’un nombre incalculable de fans mais n’a étrangement pas fait beaucoup d’entrées en salles). Dans cette scène subsistent les personnages de Ash (toujours interprété par son ami Bruce Campbell) et de sa fiancée Linda (incarnée par l’actrice Denise Bixler, remplaçant donc Besty Barker) qui se retrouvent confrontés à l’assaut de forces démoniaques suite à la lecture des pages du Necronomicon. Contraint de tuer sa petite amie possédée, Ash se prend de plein fouet l’entité démoniaque… L’introduction se terminant, nous nous retrouvons finalement là où s’arrêtait le premier film, Raimi nous ayant livré une séquence majeure et réalisée brillement qui amènera par la suite (plus précisément dans "L’Armée des Ténèbres", troisième épisode de la franchise) un personnage-clef de la mythologie Evil Dead : Evil Ash !
Le décor étant planté, place à une nouvelle intrigue mettant en scène notre héros, toujours désemparé mais déjà bien plus préparé, seul contre l’assaut d’un démon invisible voulant l’asservir à sa volonté.

S’il y a une chose qui frappe dés les premières minutes du film, c’est bien évidemment la mise en scène du réalisateur, bien plus professionnelle et solide qu’il y a 5 ans, à cela s’ajoutant bien entendu un budget beaucoup plus confortable. S’appuyant sur une plus ample liberté créative, Sam Raimi joue les lutins facétieux et livre un « Evil Dead 2 » magistral qui, au final, s’avère n’être qu’un prétexte à une succession de clins d’oeils à toutes les œuvres et artistes ayant nourris sa passion cinématographique, de Ray Harryhausen aux « Trois Stooges ». Le film respire l’amour du cinéma de genre et se montre tout aussi inventif que son prédécesseur dans sa conception et ce grâce à l’appui d’une équipe toujours en forme et dévouée corps et âme au projet (n’oublions pas que la force et l’essence même d’ « Evil Dead » réside dans la fratrie de ses éxécutants).
Rien de surprenant donc à ce que le film arpente sans vergogne les chemins de l’humour et de l’autodérision, « Evil Dead 2 » se voulant plus léger et plus récréatif que son modèle en s’autorisant même un aspect carrément cartoonesque dans de nombreuses séquences rappelant sans mal les dessins-animés estampillés « Hanna-Barbera » (la séquence de la maison qui rit pour l’exemple le plus flagrant). Un choix judicieux de la part de Sam Raimi puisque le premier film bénéficiait (bien contre son gré) d’un second degré ayant fait sa renommée légendaire. Sa suite part dans ce sens et laisse place à la surenchère d’effets gores et comiques pour un plaisir sans limites.

Un statut de comédie d’horreur glorifié avant tout grâce à l’interprète principal, Bruce Campbell, qui s’en donne à cœur joie en livrant une performance hors du commun qu’un Jim Carrey n’aurait certainement pas renié. Entre les pirouettes (impressionnantes au passage, la séquence de la main possédée ne fait que le confirmer à chaque visionnages) et les grimaces, l’acteur est entré dans la légende et permit à lui seul d’élever « Evil Dead 2 » au rang des œuvres cultes et incontournables.
Et il serait certainement peu de dire que le comédien a réellement donné de sa personne tant il a souffert durant le tournage ; outre les flots de sang qu’on jetait sur lui, réalisés à base de sirop (ce qui avait pour effet des plus désagréables d’attirer tous les insectes du coin), les assiettes qu’il se brisait sur la tête à la grande satisfaction de Sam Raimi qui n’hésitait pas un seul instant à y mettre du sien (notamment lors de la séquence de poursuite en voiture lorsque Ash se fait gifler par plusieurs branches… Vous aurez certainement deviné qui tenait le feuillage), le comédien dû suivre un entraînement drastique pour se forger une apparence solide afin d’honorer la vision du réalisateur qui avait déjà en tête d’en faire un personnage sachant mener des hommes au combat (nous sommes aux prémices de « L’Armée des Ténèbres »). Un régime sévère à base de poisson et un entraînement géré par Mr Caroline du Nord (mis à contribution par l’équipe) l’obligeant à faire de la musculation tous les jours pendant deux heures à raison de six jours par semaine et ce pendant douze semaines finirent par donné naissance à un Ash taillé dans le roc prêt à en découdre avec les démons.
Malgré ses déboires physiques, Campbell garde un excellent souvenir du tournage et parvient même à remercier Sam Raimi pour avoir tant appris.

Un tournage qui s’est d’ailleurs déroulé en Caroline du Nord à Wadesboro, là où Spielberg tourna « La Couleur Pourpre ». Un choix peu anodin puisqu’il permettait à Raimi et son équipe de bénéficier d’un lieu intéressant d’un point de vue économique (en raison d’un budget certes plus confortable que par le passé mais tout de même modeste en comparaison à d’autres productions de l’époque), mais aussi pour se tenir éloigné de l’emprise d’un Dino de Laurentiis plus que jamais regardant quant à la dépense budgétaire (Sam Raimi garde toujours en tête la mauvaise expérience qu’était « Mort Sur le Gril »).
Les deux premières semaines sont consacrées aux prises extérieures, le reste du tournage se poursuit au sein de la J.F. Faison High School où se tiennent les décors de la cabane (dans le gymnase pour être plus précis). Toutes les ressources de l’école sont mises à profit pour les besoins du film, de l’auditorium servant à la projection des rushes à la cafétéria utilisée comme cantine de l’équipe.
Et Raimi continue d’innover de son côté en terme de mise en scène, toujours dans le but de masquer la modestie du budget, comme il le fit savamment avec sa « shaky-camera » dans « Evil Dead ». En résulte deux techniques innovantes :
- la « Ram-O-Cam » qui consiste à fixer une caméra à l’extrémité d’un mât métallique stabilisé par un contrepoids et monté sur un chariot, toujours pour les besoins d’une séquence où Ash est poursuivit par le démon. La scène se déroulant avec la voiture du personnage, la « Ram-O-Cam » servait de bélier en défonçant le pare-brise arrière du véhicule afin de donner l’illusion d’assaut par l’entité.
- la « Sam-O-Cam » qui se présente comme une structure métallique articulée terminée par un X mobile sur lequel est attaché le comédien. Face à l’acteur, sur une grue derrière la caméra, le réalisateur manœuvre l’ensemble afin de donner l’illusion que le personnage est aspiré par une force surnaturelle. Dans le cas du film, cela évoque la séquence où Ash est entraîné par la forêt dans le final du long-métrage. Un procédé économique qui évitait à Raimi d’avoir à travailler avec un fond bleu l’obligeant à recourir à l’ajout d’images en post-production.

De très bonnes idées de mise en scène donc, servies par d’excellents effets de maquillages signés par les célèbres Gregory Nicotero, Howard Berger et Robert Kurtzman (qui finiront par monter plus tard la société KNB FX, laquelle s’occupe entre autres des effets de maquillages de la série « The Walking Dead »). Les trois larrons faisaient parties à l’époque de l’équipe d’un certain Mark Shostrom, lequel s’était distingué avec le film « From Beyond » de Stuart Gordon. Ses travaux en moulage et sa capacité à donner vie à l’imaginaire d’un cinéaste en terme de bestiaire ayant impressionné Raimi, l’homme et son équipe sont engagés pour réaliser les nombreux maquillages et LA créature du film : le démon Henrietta interprété, dans sa version plus humaine, par Ted Raimi, le frère du réalisateur (il portait à ce titre une combinaison très lourde et très inconfortable). Sa version monstrueuse fut réalisée dans la plus stricte tradition dite Harryhausienne, à savoir un pantin animé image par image ; une animation en stop-motion accentuant plus que jamais le côté fantastique -voire magique- tant le résultat reste sensationnel et plus que bienvenue dans cet univers.
Les maquillages apportés par Nicotero, Berger et Kurtzman apportèrent quant à eux la touche complémentaire au travail effectué par Tom Sullivan sur le premier film, se voulant par la même l’évolution parfaite de la vision finale de Sam Raimi. Tant d’ingrédients ayant contribué à ce mètre étalon du film d’épouvante en faisant aujourd’hui de cette œuvre la référence qu’elle est devenue.

Je ponctuerai donc cette longue chronique en saluant avec tout le respect qui leur ait dû les artisans qui ont donné vie à ce film, chef-d’œuvre intemporel et indémodable, mais surtout à Sam Raimi qu’il est juste de féliciter tant il a su conserver son authenticité et son amour indéfectible pour ce qui est aujourd'hui l'oeuvre de sa vie.
Beaucoup d’ailleurs jugent cette œuvre, et à juste titre, comme étant le chef-d’œuvre de son réalisateur et le film est encore aujourd’hui une référence absolue et incontournable en terme de comédie d’épouvante pour de très nombreux cinéphiles (moi le premier, je le dis fièrement !) qui constitue en outre la parfaite continuité de son non moins illustre prédécesseur. Du cinéma comme ça, ça fait sincèrement plaisir à voir ! Je ne peux donc que vous conseiller de parfaire votre connaissance cinéphilique en découvrant cet excellent film, ou à le revoir encore et encore pour les aficionados de la première heure.
Et bien entendu, merci à vous d’avoir pris le temps de lire cet article réservé ni plus ni moins à mon plus beau trophée trônant fièrement dans ma DVDthèque.
Groovy !
Dim_Dim
10
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le 9 mai 2013

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Dim Dim

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