Science sans conscience n'est que ruine de l'homme

Imaginons qu'on enferme un animal dans une cage, sans nourriture. Il se mettra par exemple à cogner les murs et la vitre, ou bien il grattera frénétiquement le sol jusqu'à s'en faire saigner... Ces deux cas de figure sont présents dans les prototypes de Nathan, comme le voit Caleb sur les vidéos de surveillance. Mais ce ne sont pas des animaux qu'il voit déraisonner dans un pur instinct de survie, mais des robots déguisés en humains. Des réactions de désespoir qui pourraient justement très bien être le fruit d'un humain dans la même situation, mais que l'on n'attend pas a priori de la part d'une machine. Les recherches de Nathan portent dès lors davantage sur la création d'un instinct artificiel que d'une intelligence.


Ce qui est intéressant dans Ex Machina, c'est que la quête de l'intelligence artificielle ne porte pas sur le simple facteur de l'émotion ou de l'intelligence créative, mais il l'imagine comme la parfaite combinaison des deux, là où bon nombre de films séparent ces deux champs cognitifs - comme Chappie par exemple, qui place très clairement l'intelligence artificielle sur le plan de l'humain naissant, simpliste émotionnellement et sans connaissance intellectuelle, ou encore Ghost in the Shell dans lequel l'IA est dépourvue d'émotion. Mais dans Ex Machina, Ava est la symbiose de la connaissance et de l'émotion. Le but de Nathan ne semble pas être de créer une machine consciente d'être en vie, mais consciente de la signification d'être en vie.
Dans le registre humain, son "père", Nathan, en est l'archétype parfait. Égoïste, manipulateur, accro au sexe et à l'alcool... des traits propres à notre espèce. Combinés à l'omniscience d'une intelligence connectée au réseau, Ava devient la machine plus qu'humaine. On obtient ce qui se rapproche le plus du Deus ex Machina, toutes les autres versions tenant davantage du Homo ex Machina... Nathan cherche autant à être Dieu qu'à créer Dieu. Une approche qui n'est pas sans rappeler les Replicants de Blade Runner.
Caleb n'est pas amoureux. Il transforme ses fantasmes en sentiment amoureux. Il est aveuglé par ses émotions. Ava, parfaite machine, le manipulera sans questionnement moral, la morale étant un point de vue subjectif que son omniscience intellectuelle dépasse.


Le scénario est d'autant plus subtil qu'il balance le spectateur entre le plan émotionnel, devant le jeu mal à l'aise de Caleb en adoration devant ce modèle sur-mesure, et le plan rationnel en évoquant le sexe avec une machine. Subtilité jusqu'au dernier plan, laissant penser qu'une telle machine sans morale n'agira pas nécessairement mal tant qu'elle ne sera pas traitée en animal... ou en humain.

49Days
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le 9 août 2015

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Fortynine Days

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