Pour son premier film, Alex Garland nous livre une jolie surprise, personnellement mon coup de cœur de ce début d’année 2016 (oui je l’ai vu à la bourre)
Le film est une sorte de huit clos très intimiste qui se déroule quasi intégralement dans un bunker (mis à part quelques plans en extérieur) et qui met en relation trois personnages : Nathan, (le génie créateur), Ava (l’intelligence artificielle) et Caleb, un programmeur qui est invité pour réaliser un test de Turing et déterminer si Ava est oui ou non une machine.
Coté esthétique, c’est beau. C’est putain de beau. On en prend plein les yeux du début à la fin, plan géométrique dans les long couloir, plan millimétré, lents traveling bien maitrisés, superbe travail des lumières et des reflets, décors sobres et épurés, atmosphère oppressante, plans en extérieur juste magnifique et j’en passes … c’est pondéré, propre, soigné, j’en ai eu une érection oculaire.
Passons aux protagonistes :
Toute l’intrigue repose sur la complexité et l’évolution des relations entre ce triangle de personnages, on pourrait d’ailleurs résumer ces relations en un seul mot : manipulation... Les rapports humains (et non humain du coup) évoluent au fur et mesure des jours, des liens ambigu se tissent avec en toile de fond le sujet épineux de la nature humaine. Oscar Isaac nous livre une prestation vraiment étonnante dans son rôle du savant/ génie qui vis seul dans son bunker, il réussit à être à la fois exubérant et réservé, son personnage est volontairement extrême dans tous les aspects de sa vie, que ce soit dans le fait de vivre totalement reclus, son alcoolisme ou sa façon de contrebalancer cet alcoolisme par une hygiène de vie très stricte, la relation qu’il entretien avec sa création, jouée par Alicia Vikander ( elle aussi très convaincante dans son jeu froid et tout en retenu ), est assez flou et dérangeante sans jamais tomber dans le cliché comme on pourrait le craindre avec un film sur ce sujet; Entre ces deux personnages apparait Caleb, qui prend le rôle de médiateur-intermédiaire et sur qui la narration est centré, et est le personnage le plus humain et profondément bon du film, on le suit donc tout une semaine dans le repère de Nathan en le regardant évoluer dans cet étrange microcosme ou l’on voit les affinités se créer et l’intrigue se dérouler avec une sortie de fascination malsaine.
Le film est divisé en chapitre (un chapitre = un jour) ce qui permet de scinder l’intrigue et «aérer» le film, qui est construit de manière très sobre, que ce soit au sujet des décors, du nombre de personnage très limité et même de sa musique très effacée. L’intrigue monte peu à peu en puissance pour aboutir à une fin qui est, certes assez prévisible, mais logique et bien amenée. Petit plus également sur les dialogues qui, j’ai trouvé, sont très intelligemment écrit et constituent vraiment l’essence du film.
J’ai aimé la façon dont le film se détache des conventions du genre et arrive à se créer sa propre identité, point ici par exemple de règles de la robotique de Mr Asimov, de robot fait en série encrés dans la société à la I robot. Nein, Ici l’intelligence artificielle est unique au monde, et est créée à partir de données subtilisées aux utilisateurs via leur moteur de recherche, petite satire de notre société de surconnexion (idée que j’ai particulièrement appréciée d’ailleurs).
On notera au passage le rapport à l’univers biblique dont les trois personnages font partie, Ava (Eve), première femme sur terre qui découvre progressivement le monde, Nathan le prophète et Caleb, l’explorateur qui est le premier a foulé du pied un nouveau monde.
Ex machina n’étincelle pas par l’originalité du sujet qu’il traite mais par la façon dont il le traite, on a déjà vu et revu des films qui pointent du doigts le côté déclinant et mauvais de l’humanité sur un fond d’intelligence artificielle (Terminator, Blade Runner, I robot etc ) mais ici le propos est abordé de telle manière qu’il en devient presque philosophique et on en vient à se demander quelle est la définition même de l’humanité.
On pourra éventuellement reprocher au film le fait de survoler certaines facettes de l’intrigue sans jamais vraiment les aborder complètement mais personnellement c’est bien le seul « défaut » que je lui trouve.
Alex Garland arrive à être percutant et original dans son intrigue, sans être poussif et tomber dans le déjà vu et nous livre ici une œuvre originale et percutante, tant sur la forme que sur le fond et qui pousse à réflexion. Et moi j’aime bien qu’on me pousse à réflexion. Pour un premier film j’ai envie dire chapeau. D’ailleurs je le dit :
Chapeau.