Excision
6.1
Excision

Film de Richard Bates Jr. (2012)

Avec Excision, le spectateur s’avance dans un film malade, empoisonné, pourrait-on dire, car il progresse de plus en plus dans son malaise pour le faire finalement basculer dans un trash sordide qui n’a plus rien à voir avec la peinture icônoclaste qui semblait se profiler en début de film. Une surprise assurément, mais défendable ?


Vraiment, Excision porte très mal son nom, puisqu’il ne sera jamais question d’excision ici (c’est pour ça que j’avais été intrigué par le titre, c’est une promesse mensongère), la seule opération chirurgicale sera une greffe de poumon. Mais c’est définitivement le mélange de genre ultra malsain qui fait la spécificité, et donc l’attrait d’Excision. On tient ici tout simplement l’anti-Juno et l’anti-American beauty, en un seul film. Dans le genre portrait trash, on était rarement allé aussi loin (May le surpasse toutefois dans la finesse de son caractère féminin, mais on joue dans la même cour). Mais le film est-il aussi bon que May ? Il est en tout cas bien construit, et son étude de caractère est propre. Pauline, véritable toxine humaine, toujours contrainte quoiqu’elle fasse par son environnement proche, commence en état de soumission. Mais cette année, ses hormones commencent à s’agiter. C’est alors que l’on découvre les fantasmes de Pauline. Dans un style clippesque au couleur satûrée, elle se voit en reine de chirurgie autopsiant et forniquant avec des corps, le tout dans des ambiances étrangement oniriques. Un tel climat, d’une violence psychologique insoutenable qui s’installe durablement, c’est déjà perturbant. Et curieusement, le film s’amuse à l’étaler, à le décrire en détail par des relations tendues avec toutes les personnes avec qui Pauline interfère. Dans le genre étude de caractère au vitriol, on est servi avec une mère ultra-possessive, un père mou qui se laisse marcher sur les pieds, une sœur kikoo souffrant d’insuffisance pulmonaire et des camarades de lycée assez clichés. On remarquera surtout parmi les adultes quelques tronches connues du cinéma, comme ce bon Malcolm McDowell en prof de maths, le drôle John Waters en prêtre (belle ironie) et Ray Wise en principal de lycée.


Et tout ce petit monde opprime la petite Pauline, qui lui renvoit en retour ses étranges fantasmes (ses fréquents dérapages morbides dans les conversations), cultivant son associabilité tout en vivant une crise d’adolescence tardive. L’éveil de la sexualité combiné à ce contexte ultra frustrant donne sur pellicule un résultat vraiment étrange, à cheval entre la comédie trash et l’horreur psychologique, où le spectateur finit clairement par ne plus apprécier personne. Il y a de l’humour, mais même pour ceux qui cultivent une fibre trash, même poussée, il devient de plus en plu dur de s’identifier à Pauline qui part peu à peu dans une vrille qui ne s’arrêtera qu’avec un final égalant celui de May. Si l’interprétation du film est parfaite (Annalyne McCord est incroyable en Pauline, le malaise qu’elle fait passer est vraiment dérangeant), le film cultive ouvertement le trash, ne cherchant jamais à instaurer une conciliation entre ses personnages. En dehors de sa sœur avec qui Pauline aura quelques moments de calme, le film ne lui fait finalement jamais rencontrer quelqu’un « d’adapté », et Pauline se ferme régulièrement à son entourage, sans faire d’efforts d’intégration (ses seules tentatives seront essentiellement sexuelles, ou à des fins de provocation). Excision est un film qui veut faire dégénérer les choses et qui s’y emploie avec un style assez clair, cultivant les haines de chacun avec un style assez sobre qui empreinte les codes d’American Beauty, en les pervertissant car aucun personnage ne se révèle finalement attachant. Casser la façade, mais pour y révéler le vide des personnalités qui forment le quotidien de Pauline. Et d’ailleurs, Pauline, qui est-elle ? Une associable qui vit au crochet de ses parents, se repliant sur ses fantasmes sans vraiment cultiver d’espoir dans le monde extérieur. Son impression d’exister par ses fantasmes est un leurre, c’est une focalisation sur l’inavouable car elle ne trouve personne pour se confier, et ne semble pas non plus prête à s’ouvrir. C’est un peu en cela qu’Excision divise. Le film se défend psychologiquement et formellement, parfois glaçant et parfois drôle, mais il ne laisse jamais vraiment de chance à ses personnages, il les conduit vers le final qu’il a choisi et veut montrer. Doù une certaine incertitude de ma part quant à son statut. Mais il n’y a pas à tortiller, Excision file quelques coups de poings, et ses seconds couteaux savoureux en font un objet filmique assez original pour être essayé. Une copie intéressante.

Voracinéphile
6
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le 4 déc. 2015

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10 j'aime

Voracinéphile

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