Un film intéressant, malgré de très mauvais effets spéciaux et une histoire rushée !

J'avais vu Gladiator à sa sortie au cinéma, mais je suis passé à côté de celui-ci pour x raisons. Je ne suis pas un admirateur prononcé du film Gladiator : il y a plein de choses à redire sur l'américanisation, le scénario poussif et même au plan du réalisme il y avait à boire et à manger. Mais, au moins, je pouvais encore dire que Gladiator était un film bien réalisé.
J'ai une moins bonne opinion du film Exodus - Gods and kings, mais j'ai préféré lui mettre un "6" de prestation correcte qu'un "5" accentuant l'impression mitigée.
Le film dure deux heures et demie, j'ai fait deux pauses de cinq minutes pendant le "visionnage". J'ai été quand même assez pris par le récit. Je suis dans l'histoire, je suis intéressé. J'ai beaucoup apprécié le parti pris original de la représentation divine avec un enfant qui permet d'entretenir des doutes dans l'âme de Moïse, mais aussi du spectateur. J'ai beaucoup aimé aussi la scène où Ramsès menace de couper le bras à une servante. Il y a peu de scènes épiques, mais je trouve que je suis bien tenu en haleine.
Maintenant, j'ai d'énormes réserves sur les effets spéciaux. J'ai bien aimé la reproduction gigantesque des villes et des temples, j'ai adoré avant le passage sur les plaies d'Egypte de voir le défilé de bâtiments horizontaux en bord de fleuve avec les brumes du matin et la blancheur claire reflétée par les surfaces des murs. En revanche, pour les sculptures géantes debout droites sur leurs pieds, j'ai du mal à mon sentiment de l'équilibre. Je les vois mal tenir trois minutes. C'est ce que je ressentais immédiatement en voyant les images. Les images des flammes me dérangeaient parfois aussi. Depuis le temps qu'avec le cinéma en couleurs, on filme le feu, j'avoue que j'étais surpris de la médiocrité de rendu des flammes dans le film. Mais il y a plus grave encore. Dans les scènes de masse où le décor s'écroule et des hommes, voire des chevaux disparaissent comme des petits points (surtout vers la fin, le flanc de montagne qui s'effondre emportant la route sinueuse des chars, ou la mer qui se referme sur l'armée de Rhamsès, et d'autres passages seraient à citer sur les décors gigantesques et hommes petits points), j'ai trouvé ça incroyablement mal foutu, ça pue le bricolage à plein nez, la liaison du décor animé et des personnages ou animaux est extrêmement mal faite, il n'y a pas de soudure, de continuité souple. En plus, en termes d'animation du récit, c'est très mal pensé. On voit trop longtemps des roues de chars au galop qui sautent à deux centimètres du vide. Dans une configuration de panique réelle, la peur du vide précipite la catastrophe à partir du moment où le personnage est à l'origine de l'action qui le met en danger. Si on propose aux spectateurs, l'image effrayante que les gars vont trop vite et peuvent tomber dans le vide, on ne peut pas retenir la catastrophe cinq minutes durant avec une telle quantité ahurissante de chars qui galopent. Il faut si on fait durer un peu le suspense rester dans des images exclusives sur l'imminence de la chute et il faut qu'on le veuille ou non montrer plus vite la chute pour coïncider avec l'impact sur le téléspectateur qui vit la scène, car, dans la réalité, un gars qui fouette ses chevaux au bord du vide et qui voit qu'il est en danger, son cerveau se focalise et va à sa perte en deux temps, trois mouvements. C'est ça jouer avec l'émotion naturelle aux spectateurs, et ça n'apparaît dans le film, on ne vit pas l'action. Il y a un savoir-faire cinématographique qui s'est perdu. Pire encore, Ridley Scott ne montre pas des chutes. Un personnage tombe, il se fait écraser par le char qui passe derrière, et la scène est même ralentie par rapport à ce que ça devrait être au plan du réalisme. Scott a dû croire que c'était subtil, que le spectateur serait surpris par une mort inattendue, alors qu'il en avait prévu une autre. Mais c'est maladroit. L'obsession du vide doit l'emporter, il faut correctement montrer aux spectateurs une chute dans le vide avec toute sa mise en perspective. Et quand enfin on a une amorce de chute, c'est un cadre général avec des chars petits points et on ne voit que le début de la chute et cela n'a pas le temps de nous imprégner, puisque ça ne dure que deux secondes. Non, il faut jamais faire comme Ridley Scott. C'est tout le contraire du bon sens.
La scène de la mer qui s'ouvre pour laisser passer Moïse est catastrophique également du point de vue de la réalisation. Elle ne fait pas rêver du tout. On voit la succession brutale des images de synthèse et des images réalistes avec une différence de grain dans l'image, en plus des différences d'éclairage. Une part du phénomène est laissée en-dehors des images. La mer se retire, mais on voit encore de l'eau, puis après on voit le peuple marcher sur un sol on va dire "asséché" et on ne voit pas les limites de la mer retirée. Toute la majesté du truc, on ne l'a pas. On en récupère un peu quand elle se referme. Mais c'est mal géré.
En plus, il y a une autre maladresse scénaristique. La mer est d'une certaine étendue. Le peuple va devoir marcher un certain temps, pas cavaler. Or, Rhamsès est vu sur les montagnes en train d'arriver sur eux par les yeux de Moïse. Le combat s'enchaîne et en fait il n'y a pas de combat, car les flots le rendent impossible et recouvrent déjà l'armée de Rhamsès. Question : ils ont fait quelle distance pendant la traversée de cette Mer ? Le film n'est pas réaliste, n'est pas vraisemblable, il ne crée pas du tout l'impression qu'une mer a été traversée. Du point de vue temporel, ça ne tient pas la route et c'est très gênant, sauf si on est un gros bêta qui regarde le film avec des chips. Et pire encore, Moïse et Rhmasès se rencontrent sous l'eau, mais Moïse est rejeté du côté de la rive où son peuple a pris pied (si on peut dire ainsi), tandis que Rhamsès et les débris de son armée sont ramenés au rivage de départ. Qu'est-ce que c'est mal fait ! Et je ne vous parle pas de la couleur plastique des épées de Moïse et de Rhamsès qui n'arrangent décidément rien au film.


Enfin, il y a la longue séquence fantastique sur les plaies d'Egypte que je mets aussi dans les échecs impressionnants du film. Je n'ai pas du tout apprécié le bricolage des images, le collage de l'eau rouge quand les égyptiens essaient de conjurer le mal et que l'un puise dans l'eau avec son urne. Mais qu'est-ce que c'est que ça pour du montage ? J'ai bien quelque peu ressenti la poésie de l'attaque des crocodiles, mais dès cet instant-là le sang giclait en-dehors de tout réalisme, alors que le film jusque-là n'avait jamais eu ce parti pris esthétique, ça tombe comme un cheveu sur la soupe. Il y a plusieurs scènes sur les plaies d'Egypte, le plus choquant c'était la mauvaise incrustation de l'eau rouge à l'image, mais je suis loin d'adhérer à la prestation en termes d'effets spéciaux. J'ai trouvé ça très amateur.
En revanche, j'ai aimé le buisson ardent en blanc bleu clair en liaison avec la tête de Moïse enfouie dans la vase. J'ai aimé aussi au début la scène d'attaque dans la grande plaine, avec au fond les cavaliers ennemis en troupeau accompagné d'une brume blanche, et cet effet de nombre qui s'amplifie, la vue aérienne du champ de bataille avec les chars qui pénètrent dans le camp ennemi. Mais, pour les effets spéciaux des trucs un peu fantastiques, là il n'y a plus personne de compétent dans l'équipe de réalisation.
Pour le jeu des acteurs, il ne faut pas rêver, c'est des américains qui règnent en Egypte. Les réunions du pouvoir sonnent faux. C'est beaucoup trop américanisé. Les américains, c'est un peuple du monde sur une petite étendue de l'échelle de temps de l'histoire de l'humanité. Moi, je n'ai pas l'impression de voir des gens qui ont une psychologie d'un autre temps liée à leurs conditions de vie. Il est vrai que le film joue volontairement l'anachronisme dans la relation de Moïse qui doute face à Dieu, mais quand même...
Après dans le jeu des acteurs, Moïse, le petit roi de Pithom avec les petits airs qu'il roule (même s'il fait anachronique) et Ramsès, ça va. Il y a à boire et à manger. Ce serait par ailleurs difficile de réorienter certains aspects de leurs prestations, parce que Ramsès ou le roi de Pithom sont assez caricaturaux et du coup ils doivent tenir un rôle figé avec les attitudes qu'on attend d'eux, la façon de regarder, de se tenir, etc., tout devient délicat à réorienter parce que quelque chose de hiératique ressort de leurs prestations d'acteurs. Ceci vaut aussi pour quelques seconds rôles. Je suis mitigé, mais ce hiératisme assumé m'empêche de donner des conseils.
Après, certaines sont racontées parce qu'elles sont nécessaires, mais elles n'ont pas toute la force du développement dramatique qu'on est en droit d'en attendre. C'est assez évident en particulier au plan des femmes dans le palais de Rhamsès, alors que ce n'est même pas la partie la plus rushée du film. Elles viennent sur la scène défendre ou accabler Moïse et leur grande scène jouée elles se retirent.
Mais, bref, j'ai quand même passé un bon moment de divertissement.

davidson
6
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le 8 mars 2021

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davidson

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