Concevoir la réinterprétation moderne d'une fable biblique est un exercice délicat. Darren Aronofsky l'avait également tenté, plus tôt en 2014, avec "Noah"; pour un résultat fort intéressant. Ici, une fois mises de côté les "polémiques", le spectacle a toutefois du mal à convaincre.
Gardons au crédit du réalisateur -Ridley Scott- de superbes décors, des images de synthèse parfaites et des costumes réussis (quoi qu’avec un poil d'anachronisme). En outre, à l'image de sa carrière, les musiques sont une fois de plus grandioses et siéent parfaitement à l'ambiance péplum d'Exodus. Car visuellement, cette version de l'histoire de Moïse évoque les épopées romaines des années 60-70, au point d'avoir l'air un peu kitch.
Vous avez dit "Force et Honneur" ?
…sur un point seulement. Car visuellement toujours, le jeu de couleurs est assez étrange et en rappellerait presque du Zack Snyder. Par ailleurs, les rôles des deux personnages principaux (Moïse et son frère d'adoption le pharaon Ramsès) sont mal adaptés au récit de la Bible.
Car autant il est courant de voir des héros pugnaces et virils dans les productions Hollywoodiennes, autant dans cet exemple Christian Bale va un peu trop loin.
Le guide des Hébreux, censé être un prophète sage et avisé, se mue en chef de guerre badass qui va mener une guérilla digne du Che contre le royaume d'Osiris. Je cite: "tu seras mon général". Au passage, nous noterons aussi la doctrine vindicative prônée par le messager de Dieu…
Paradoxalement, Moïse est plus bourrin et tête brulé que son frère Ramsès!
Ce dernier, loin d'être le puissant monarque -le fils d'Amon-Râ devant lequel tous se prosternent- n'est qu'un dirigeant blasé et hésitant. On croirait voir un PDG soupirer devant les plaintes de ses syndicats, victimes des dix plaies d'Egypte. Et je cite: "Moïse, libérer les esclaves va poser un problème économique". Ah c'est sûr que vieux crouton ne bossait pas au Ministère du Redressement Productif !
En plus d'être mou et bedonnant, Ramsès est certainement le personnage qui manque le plus de personnalité dans tout le film. On ne parle même pas de charisme. Ce qui, à mon sens, est le plus grand écueil d'Exodus; avec ses quelques chapitres du récit hébreu expédiés en deux minutes.
Le film d'animation Dreamworks "Le Prince d'Egypte" narrait avec dix fois plus d'efficacité l'histoire biblique. Tout en dressant un portrait réaliste, dur et émouvant de la relation entre les deux frères. L'on ne peut ainsi s'empêcher de faire un comparatif entre les deux œuvres; comparatif qui n'est clairement pas en faveur d'Exodus.
Nous peinons à croire que ce péplum est signé du même auteur que le fantastique Gladiator. Et quelle n'est pas notre déception, lorsqu'on regarde les autres grandes fresques historiques (plus ou moins anciennes) du réalisateur: Christophe Colomb, La Chute du Faucon Noir, Kingdom Of Heaven, Mensonges d'Etat… Du rêve, au suspens ou à l'épique, le talent du bonhomme était indéniable.
A vrai dire, depuis son douteux Robin des Bois en 2011, Ridley Scott est dans une mauvaise passe; et des déconvenues tel que Prometheus ou cet Exodus ne renversent pas la donne.
Heureusement, le long-métrage bénéficie de quelques idées novatrices tel que la représentation des dix plaies d'Egypte, la fuite des Hébreux et les séquences vues du ciel dignes des grandes épopées.
C'est bien là tout le problème: le cadre d'Exodus est tout à fait correct, splendide parfois, mais ses personnages sont creux, inadéquats ou incohérents.
En définitive, pour reprendre l'expression du génial film "Idiocracy", Exodus est très moyen. Sauvé par une direction artistique soignée et des musiques flamboyantes, le film ne tiendra certainement pas la barre face aux autres blockbusters de Noël.