Pour son retour au film historique (ou mythologique suivant votre foi) Ridley Scott s'attaque à la Bible et au livre de l'Exode pour une confrontation directe avec le maitre du genre Cecil B.DeMille. Accompagné par les polémiques sur le "blanchiement" de son casting arrivant dans un paysage cinématographique gavé de spectaculaire l'auteur de Gladiator atteint il la terre promise ?



Il était (encore) une fois

Ridley Scott s'empare d'un des récits bibliques les plus souvent adaptés à l'écran avec la volonté d'y imposer le traitement dynamique qu'il a fait subir à la Rome antique ou au Moyen Age. Le film débute avec Moise (Christian Bale) et Ramses (Joel Edgerton) déjà adultes dans les derniers jours du règne du pharaon Seti (John Turturro) se préparant à partir affronter les hittites sur le champ de bataille. Lors de la bataille Moise sauve son frère adoptif exacerbant sa jalousie creusent entre eux un fossé conduisant à la révélation de l'héritage hébreu de Moise par le fourbe vice-roi Hegep et l'exil de ce dernier. Il adopte tout d'abord la vie d'un simple berger jusqu’à’ à ce qu'une rencontre "divine" le pousse à revenir en Egypte pour y libérer les esclaves et les conduire vers la Terre Promise.

Si les origines de Moise, le veau d'or et les tables de la loi sont évoqués Scott et ses scénaristes concentre l'action du film sur la fuite d'Egypte. Moise est dépeins comme un comme un homme pragmatique, un scéptique qui ne croit pas plus aux augures des oracles qu'au Dieu des Hébreux. Même après avoir reçu sa mission il se montre réticent à s'abandonner à la foi tentant tout d'abord de libérer les esclaves par des techniques de guérilla. Quand les plaies d'Egypte s'abattent on retrouve la thématique déjà abordée cette années dans Noé du prophète tourmenté par la culpabilité d'avoir participé aux souffrances de ses anciens compatriotes.

Mais la ou le surnaturel était une donnée admise de l'univers quasi-fantastique du film d'Aronofsky , Scott suit en permanence une ligne de crête entre le plausible et le surnaturel , entre l' historique et le biblique. Ainsi cette rencontre avec Dieu, qui apparaît sous la forme d'un enfant assez inquiétant tout droit sorti d'un film de possession, sur le mont Horeb n'est t'elle pas le fruit d'un traumatisme crânien subi après une chute de pierres ? La malédiction qui s'abat sur l’Égypte ne peut elle pas s'expliquer par la conjonction inédites d’événements naturels qu'expose ce savant égyptien (un hilarant Ewen Bremner qui retrouve Scott après Black Hawk Down) ? Même le fait le plus extraordinaire le partage des eaux de la Mer Rouge peut trouve une explication dans un phénomène astronomique.

Des hommes et des dieux

Pour incarner ce prophète combattant Scott peut compter sur un Christian Bale intense qui apporte par son implication un supplément d'épaisseur qui n'existe pas forcément sur le papier même si le comédien gallois ne sort pas ici de sa zone de confort.

J'étais loin d’être conquis au départ par le casting de Joel Edgerton en Ramsès non pas en raison du "whitewashing" de ce dernier (même si il faut admettre que c'est bien une idée saugrenue de choisir un Australien blanc pour incarner un Pharaon) mais simplement car j'avais du mal à imaginer un acteur si rugueux en souverain. Au final c'est justement son approche naturaliste qui m'a convaincu, son Ramses est un homme fragile héritier oisif dépassé au fond par ses responsabilités, ce manque d'assurance le poussant à la jalousie et à la cruauté. Edgerton lui donne des attitudes modernes, lui injecte fragilité évite d'en faire un vilain trop manichéen. Seul regret leur relation fraternelle étant déjà établie au début du film leur affrontement n'a pas le poids émotionnel attendu.

Se concentrant presque exclusivement sur ses deux interprètes principaux Ridley Scott ne semble pas savoir que faire de son prestigieux casting et relègue les Ben Kingsley , Sigourney Weaver, John Turturro au rang de figurants de luxe. Même Aaron Paul auréolé du succès de Breaking Bad malgré une entrée en scène mémorable ne joue que les utilités. Seul l'australien (encore un!) Ben Mendelsohn sort son épingle du jeu en ressuscitant à merveille le traître de péplum veule et fourbe qu'on adore détester.

Malgré son approche moderne et sceptique de la bible le film de Scott est loin d’être exempt de défauts. Le film connait quelques les longueurs en partie car l'histoire ne réserve aucune surprises, les personnages féminins quasi-inexistant vont lui valoir des accusations de sexisme en plus de celles de racismes et certains dialogues sont un peu faibles.

Exodus fait partie de ces films dont je vois tous les défauts que pointent ses détracteurs mais que j'aime malgré tout pleinement et ce pour une raison : Scott livre ici une véritable leçon de mise en scène épique et démontre pourquoi il reste un des plus grands visualistes du cinéma moderne.

Secondé par son production designer fétiche Arthur Max et une armée d’artisans et d'artistes digitaux (les effets visuels inachevés des bandes annonces sont parfaits dans le film) Scott nous immerge dans une Egypte monumentale (au sens propre le film n'est pas avare en pyramides, Sphinx et statues) qui nous apparait presque contemporaine comme il a pu le faire pour la Rome antique de Gladiator ou le Los Angeles futuriste de Blade Runner.

Dans un paysage cinématographique pourtant très compétitif dans le spectaculaire il parvient à nous clouer à notre siège multipliant les morceaux de bravoure possédant chacun leur style propre. De la bataille d'ouverture en passant par des plaies d'Egypte qui tiennent autant de Roland Emmerich que de Jaws pour terminer par LA séquence du passage de la mer Rouge si monumentale qu'elle renvoie celle de Cecil B.DeMille à des clapotis en petit bassin. Le tout agrémenté de money-shots comme cette chute d'une colonne de chars d'une falaise en camera subjective.

Conclusion : Exodus est un spectacle visuellement grandiose traversé par un souffle épique qui fait oublier ses défauts et ses maladresses.
PatriceSteibel
8
Écrit par

Créée

le 12 déc. 2014

Critique lue 331 fois

1 j'aime

PatriceSteibel

Écrit par

Critique lue 331 fois

1

D'autres avis sur Exodus - Gods and Kings

Exodus - Gods and Kings
Docteur_Jivago
8

Plaies intérieures

Après Cecil B. DeMille, c'est au tour de Ridley Scott de s'attaquer à la vie de Moïse et notamment la façon dont il a conduit les hébreux hors d'Égypte et, de sa jeunesse comme prince jusqu'à...

le 26 déc. 2014

51 j'aime

24

Exodus - Gods and Kings
ltschaffer
9

Des Hommes et des Dieux

"Notre sujet est inhabituel", nous adressait Cecil B. DeMille dans l'aparté introductif de son auto-remake des Dix Commandements. Et pour cause, le périple biblique de Moïse n'a réellement été adapté...

le 9 déc. 2014

50 j'aime

19

Exodus - Gods and Kings
SanFelice
8

Moïse, clochard céleste

Ridley Scott a une certaine capacité à me surprendre. Chaque fois qu'il paraît être en perte de vitesse, complètement perdu, n'arrivant plus à exploiter son talent dans un filon qu'il semble avoir...

le 9 mars 2015

41 j'aime

5

Du même critique

Le Fondateur
PatriceSteibel
8

Ça s'est passé comme ça chez McDonald's

Parfois classicisme n’est pas un gros mot , Le Fondateur en est le parfait exemple. Le film , qui raconte l’histoire du fondateur de l’empire du fast food McDonalds, Ray Kroc interprété par Michael...

le 26 nov. 2016

58 j'aime

1

Star Wars - L'Ascension de Skywalker
PatriceSteibel
6

Critique de Star Wars - L'Ascension de Skywalker par PatriceSteibel

Depuis la dernière fois où J.J Abrams a pris les commandes d’un Star Wars il y a un grand trouble dans la Force. Gareth Edwards mis sous tutelle sur la fin du tournage de Rogue One, après une...

le 18 déc. 2019

41 j'aime

7

7 Psychopathes
PatriceSteibel
8

Une réjouissante réunion de dingues (et de grands acteurs)

Avec ce genre de comédie noire déjanté et un tel casting j'apprehendais un film ou le délire masquerait l'absence d'histoire et ou les acteurs cabotineraient en roue libre. Heureusement le...

le 5 déc. 2012

36 j'aime

9