Après un Gladiator qui avait su relancer l'intérêt du public pour le péplum, un Kingdom of heaven plutôt réussi dans sa version longue, Ridley Scott poursuit son incursion dans le cinéma à jupettes de fer avec une relecture assez originale de l'œuvre biblique.



On retrouve donc Moïse et Ramsès adultes, entre rivalité et amour fraternel. Si Christian Bale peine à trouver son rythme de croisière pour incarner le chef de guerre, il parvient avec plus de facilité à se glisser dans la peau du libérateur. Bale est un acteur qui a besoin d'un personnage fragilisé pour enfin pouvoir s'exprimer. On se souvient de son excellente prestation dans The machinist.



A l'opposé, Joel Edgerton manque cruellement de charisme pour endosser la panoplie de l'incarnation de Râ. On sent que Scott laisse l'acteur en roue libre pour mieux se concentrer sur Bale. Malheureusement, Edgerton n'a pas le talent nécessaire pour un rôle de cette amplitude. En retrait tout le long du film, il subit l'histoire et la présence écrasante de Bale. Tout se résume à cette scène où il prie son dieu dans une pièce à peine éclairée et où il pense que Moïse l'espionne dans l'obscurité. Même absent, c'est Christian Bale qui possède la scène ; Ramsès, comme la caméra, le cherche sans le trouver, démontrant une fois encore la préférence de Scott pour le prince hébreu.


S'il y a bien un domaine où Ridley Scott est rarement pris en défaut, c'est bien sur sa gestion des lumières. Il a toujours su s'entourer des bons chefs op pour profiter d'un éclairage parfaitement adapté. Exodus, comme Kingdom of heaven, bénéficient d'une photo crue qui joue à merveille avec les reliefs. Que se soit une carrière remplie d'esclaves ou le visage de Bale creusé par les rides, la lumière baigne le tout de teintes spectrales qui accentuent les contrastes.


L'angle par lequel Scott aborde son film est plutôt original. Plonger le spectateur dans le doute quant à la révélation divine de Moïse. Scott ne plonge jamais totalement dans le mystique, son Moïse étant plus un homme d'action qu'un prêcheur. Un dieu qu'il voit comme un enfant, capricieux, colérique, cruel. Moïse doute souvent quant aux motivations de son dieu et des moyens qu'il emploie pour arriver à ses fins. Il se substitue même à ce dieu en gravant lui-même les tables de la loi. Même du côté égyptien, les savants rationnalisent et analysent froidement les plaies qui s'abattent sur leur civilisation. Ils ne sont jamais convaincus de la réalité de ce dieu hébreu car rien ne montre la puissance surnaturelle.

Une fois encore, comme Kindom of heaven en son temps, Exodus est un film amputé. Pour les exigences de projection en salle, le film est saccagé dans son montage et on devine tout le long les coupes sauvages que Scott a dû sacrifier. Des personnages, comme celui de Sigourney Weaver, se contentent d'une simple figuration alors que la narration est chaotique et les enjeux embrouillés. Ridley Scott saborde une fois de plus son navire, triste capitaine à la merci de ses armateurs.

Je ne peux qu'espérer une version director's cut afin de rendre justice au travail et à la vision de Ridley Scott.

Créée

le 19 mars 2015

Critique lue 382 fois

3 j'aime

1 commentaire

Alyson Jensen

Écrit par

Critique lue 382 fois

3
1

D'autres avis sur Exodus - Gods and Kings

Exodus - Gods and Kings
Docteur_Jivago
8

Plaies intérieures

Après Cecil B. DeMille, c'est au tour de Ridley Scott de s'attaquer à la vie de Moïse et notamment la façon dont il a conduit les hébreux hors d'Égypte et, de sa jeunesse comme prince jusqu'à...

le 26 déc. 2014

51 j'aime

24

Exodus - Gods and Kings
ltschaffer
9

Des Hommes et des Dieux

"Notre sujet est inhabituel", nous adressait Cecil B. DeMille dans l'aparté introductif de son auto-remake des Dix Commandements. Et pour cause, le périple biblique de Moïse n'a réellement été adapté...

le 9 déc. 2014

50 j'aime

19

Exodus - Gods and Kings
SanFelice
8

Moïse, clochard céleste

Ridley Scott a une certaine capacité à me surprendre. Chaque fois qu'il paraît être en perte de vitesse, complètement perdu, n'arrivant plus à exploiter son talent dans un filon qu'il semble avoir...

le 9 mars 2015

41 j'aime

5

Du même critique

La Horde du contrevent
Alyson_Jensen
9

Le 24ème hordier

# Ajen, lectrice Jusqu'au bout. Je n'ai guère de souvenirs de ma rencontre avec la 34ème horde. Tout était dévasté. Ou en passe de l'être. Oroshi m'expliqua par la suite que nous avions survécu au...

le 16 mai 2017

108 j'aime

13

Everest
Alyson_Jensen
4

Les sous-doués passent l’Everest

Everest, le dernier film de Baltasar Kormakur, nous propose une adaptation du récit de John Krakaueur, Tragédie à l’Everest. Basé sur la catastrophique expédition de 1996 qui coûta la vie à 8...

le 14 janv. 2016

72 j'aime

10

What Remains of Edith Finch
Alyson_Jensen
8

La mort vous va si bien

What remains of Edith Finch se présente comme un simulateur de marche comme il en pleut ces dernières années sur nos machines de bourgeois. Développé par le studio Giant Sparrow, déjà à l’œuvre sur...

le 8 juin 2017

57 j'aime

3